Nicolas Sarkozy : « Je souhaite que la France tourne le dos à la médiocrité »

Société

Dans une interview au Journal du Dimanche paru le 12 avril 2015, Nicolas Sarkozy explique comment il compte, après la victoire de son parti aux départementales, mettre l’UMP en ordre de bataille et apaiser les tensions avant 2016.Vous répétez que « l’alternance est en marche » et que « rien ne l’arrêtera ». N’est-ce pas vendre trop tôt la peau de l’ours ?En aucun cas, je connais trop la fragilité des choses. Si je le dis, c’est parce que je veux créer les conditions de l’espoir. Il y aujourd’hui en France une désespérance et une colère. La seule façon d’apaiser les choses, c’est de donner aux Français la certitude qu’une alternance républicaine est en marche, que nous ne sommes pas condamnés à l’affligeante médiocrité d’aujourd’hui, qu’une autre politique est possible. Notre responsabilité est de préparer les conditions de la victoire. Nous devons être prêts, imaginatifs, déterminés. Imagine-t-on le spectacle que donnerait la France en cas d’affrontement en 2017 entre François Hollande, ce président qui a tant promis et si peu réussi, et Marine Le Pen, qui, après avoir voulu donner des leçons à tout le monde, nous impose avec son père un feuilleton familial affligeant?Quelle va être concrètement la différence entre une gestion de droite et une gestion de gauche des départements ?L’enjeu, c’est d’abord la crédibilité de la parole publique. Nous avons fait campagne sur des engagements. Aujourd’hui, et c’est là un devoir républicain, les Français doivent pouvoir constater, dans leur vie de tous les jours, la différence entre une politique de gauche et l’alternance que nous incarnons. Pensez que les Bouches-du-Rhône ont subi le joug socialiste – et quels socialistes! – pendant huit décennies! Pensez que le Nord aura connu pendant quinze ans une explosion des dépenses publiques de fonctionnement, où toute association proche de la gauche était subventionnée, où la question du développement économique était systématiquement remisée. Nous avons pris des engagements, nous devons les tenir. Pas d’augmentation des impôts, diminution des effectifs de fonctionnaires : on ne peut pas continuer avec un montant des dépenses publiques qui a dépassé 57,5?% du PIB. Dans sa litanie des « moi, je », François Hollande avait oublié de dire : « Moi, président, j’augmenterai les impôts comme jamais et j’encouragerai l’assistanat avec une augmentation des effectifs du RSA en trois ans de 17%. » Un niveau jamais atteint. Désormais chaque bénéficiaire du RSA devra exercer une activité au profit de la collectivité en contrepartie de son allocation. Autre engagement que nous tiendrons : chaque parcelle de territoire mérite la chance d’un développement économique?: tourisme ici, réinstallation d’une entreprise ou zone franche là… Nous devons être le symbole dans les départements de l’innovation, de l’expérimentation, de la modernisation. Toute cette génération de nouveaux élus apportera l’énergie dont nos départements avaient besoin.Quel sera le nouveau nom de l’UMP ? Les Républicains ?Je souhaite que le choix du nouveau nom soit collectif. Mais pour moi, le temps des acronymes est fini : UMP, PS… Ce que nous voulons, c’est nous adresser à tous les Français pour leur dire : « Rassemblons-nous pour construire le redressement de la France. » Le mouvement que nous sommes en train de bâtir ne sera pas réductible à la seule droite, ni au seul centre. Pas réductible aux gaullistes, aux libéraux, aux indépendants, aux chrétiens-démocrates, aux sociaux… Qu’est-ce qui rassemblera tous ces courants politiques? L’idée que nous nous faisons de la République. La République, c’est la réponse au défi identitaire que connaît notre société. Car ce qui est en cause, au fond, c’est la nature de la République que nous voulons. Il est grand temps de revendiquer haut et fort les valeurs de la République et d’arrêter de les abîmer. La République, c’est le travail, la responsabilité, l’autorité, le mérite, l’effort, la laïcité, le progrès et, bien sûr, la liberté. La question, par exemple, n’est pas de s’opposer au voile pour s’opposer à une pratique religieuse, mais de réfléchir à ce qui constitue la différence entre la démocratie et la République. Au nom de la démocratie, chacun s’habille comme il l’entend. Au nom de la République, l’égalité hommes-femmes est sacrée et s’oppose au port du voile dans les administrations, à l’école et à l’université. Le nom de ce nouveau mouvement ne sera pas une question de communicants ou de communication. Il ne s’agira pas de ravaler la façade. La question, autrement plus importante, c’est qui sommes-nous? Qui voulons-nous représenter? Que voulons-nous faire? Il y a dix ou quinze ans, la question de la République ne se posait pas avec autant de force. Aujourd’hui, l’application ferme des règles républicaines est la seule façon d’apaiser notre société.Quelles différences y aura-t-il entre ce nouveau mouvement et l’ancien parti ?Nous sommes passés du XXe au XXIe siècle. Les organisations partisanes, y compris la nôtre, n’en ont pas tiré toutes les conséquences. Qu’est-ce qui a changé? C’est l’exigence absolue de tous nos adhérents : pouvoir donner leur avis sur le choix de ceux qui les représentent, et sur les orientations politiques. La volonté de participer n’a jamais été aussi forte, nous devons y répondre. Dès lors, nous allons adopter des changements majeurs, telle l’élection par les militants de tous les présidents des fédérations départementales.. Fini les accords entre notables installés : chaque adhérent aura son mot à dire. Je souhaite aussi que le bureau politique qui dirigera le mouvement accueille des élus de terrain. Nous allons faire des changements structurels dans notre rapport à Internet, et nous interrogerons les militants chaque semaine sur les questions majeures qu’ils se posent. Les mots d’ordre seront démocratie, décentralisation et modernité.Combien d’adhérents souhaitez-vous attirer ?Si on atteignait le demi-million, ce serait bien. Ces dernières semaines, nous sommes à plus de 1.000 nouvelles adhésions chaque jour. Il faut aller plus loin et plus vite.Pourquoi vous êtes-vous converti au principe de la primaire, qui n’est pas un concept exactement gaulliste ?Les primaires, c’est une évidence, n’étaient pas dans la culture de la droite ni du centre. Ce qui m’a convaincu, c’est le principe de réalité. Pendant deux ans et demi, j’ai vu ma famille politique se déchirer, se détester, s’affronter. Quel spectacle! Nous étions devenus inaudibles. Dès lors, si je voulais l’union et le rassemblement, il fallait adresser un message fort, de confiance, à des personnalités qui ont du talent et des ambitions, en les assurant que, le moment venu, les choses se passeront dans la clarté, dans la démocratie, dans le respect de chacun. C’est pour cela que j’ai accéléré le calendrier de mise en place des modalités de la primaire. Aussitôt, le débat s’est apaisé. Il fallait aussi protéger les élections régionales de décembre prochain du débat présidentiel comme j’ai protégé les élections départementales. Chacun a été mis en confiance, chacun a maintenant un calendrier, chacun connaît les règles de la primaire : il n’y a plus aucun prétexte à des affrontements. Et quand le temps de la compétition viendra, chacun pourra faire valoir ses chances dans un climat apaisé.Votre référence, c’est la primaire socialiste de 2011 ?Non, car François Hollande a été choisi par défaut, après le coup de tonnerre du Sofitel! Les socialistes, comme sonnés, ont élu un candidat de substitution qui n’était le candidat ni de leur cœur ni de leur raison, et qui surtout n’était pas prêt pour cette échéance majeure. Les socialistes sont donc sortis des primaires avec un candidat qu’ils ne désiraient pas et sans ligne claire. Il y a eu une improvisation totale. Trois ans après, les Français paient encore le prix d’un président ballotté entre les écologistes, les frondeurs, les socialistes et les socialistes post-modernes. Voilà la réalité des choses. Mon ambition est que ces primaires nous permettent de choisir un candidat qui soit le meilleur pour présider et pour réformer, sur une ligne politique claire qui aura été tranchée par un débat public sérieux, respectueux, démocratique.Souhaitez-vous que l’UDI participe à cette primaire ?Je souhaite que le plus grand nombre possible de personnes qui se reconnaissent dans les valeurs de la droite et du centre y participent. L’UDI de Jean-Christophe Lagarde a, à l’évidence, sa place dans ce débat démocratique. J’observe déjà qu’Hervé Morin, au nom du Nouveau Centre, a indiqué sa volonté de participer à ces primaires. C’est un choix très responsable de sa part. Nous allons nous rencontrer très bientôt pour déterminer les modalités de leur participation.Désespérez-vous de François Bayrou ?Pour désespérer de François Bayrou, encore faudrait-il que j’aie un jour placé de l’espoir en lui. François Bayrou fait le jeu de la gauche depuis 2007 : il a voté blanc en 2007 et a ensuite, en 2012, voté François Hollande. Il a précisé, il y a deux mois, que, s’il avait été député, il n’aurait pas voté la motion de censure présentée par l’opposition et même qu’il ne regrettait pas son choix pour François Hollande.Mais une candidature de François Bayrou en 2017 réduirait à néant vos efforts en vue d’une primaire organisée de la droite et du centre…Ne vous trompez pas : les primaires sont pour tous ceux qui se reconnaissent dans les valeurs de la droite et du centre et qui sont clairement dans l’opposition à François Hollande. Mais nous ne sommes pas dans la IVe?République. Le temps des petites combinaisons politiciennes est révolu. La clarté vaut également pour le Front national : il n’y aura aucun accord avec le Front national, ni avec ses alliés. En résumé, aucune alliance, à quel que niveau que ce soit avec le FN, et une alliance avec le centre qui se reconnaît dans l’opposition C’est par la clarté et la franchise que l’on redonnera de la crédibilité à la politique.Quand l’UMP aura-t-elle enfin un projet ?D’abord, une précision : il n’y a pas d’opposition entre le futur projet de l’UMP et le projet de chacun des candidats à la primaire. Qui pourrait reprocher au nouveau parti d’avoir un socle programmatique, quitte pour chacun des candidats à aller plus ou moins loin en fonction de ses choix? La crise est si profonde que nous allons nous mettre d’accord sur des propositions, peu nombreuses mais fortes, innovantes et adaptées à la gravité de la situation. Auparavant, nous aurons engagé un travail de mise au point de notre vision et des valeurs que nous défendons. Sur la question de la fiscalité, par exemple, le vrai débat est de savoir quelle est la part des revenus de travail que l’on a légitimement le droit de conserver. Pour moi, c’est clair, chercher à constituer un patrimoine est légitime. Vouloir être propriétaire de son logement, c’est un rêve naturel. Souhaiter gagner davantage est une ambition normale. Au fond, je souhaite que la France tourne le dos à la médiocrité, à la jalousie, à l’envie, à l’égalitarisme, au nivellement. Les valeurs qui sont conformes au génie français sont celles du travail, de la promotion, du mérite, de l’équité.Quel est votre objectif pour les élections régionales de décembre ?Mon objectif, c’est la victoire aux régionales pour avoir une deuxième étape concrète vers l’alternance. Il faut en finir avec le contrôle de la quasi-totalité des régions par le PS. Le résultat de leur gestion est tout aussi édifiant que celui du pouvoir en place au niveau national. Mon objectif, c’est également que le nord et le sud de la France ne soient pas dirigés par le clan Le Pen : père, fille, petite-fille. Je ne veux pas que le pays se réveille avec le Sud à la petite-fille et le Nord à la fille. La France mérite mieux que d’être dirigée par un clan. Le spectacle qui nous est donné par le FN est consternant. Quand je pense que Madame Le Pen se gobergeait de son élection à la tête du FN à 100% et de l’unité de son parti! Mais elle n’était pas si mal avec son père hier lorsqu’il s’agissait de reprendre la petite boutique familiale. Et le père n’était si pas mécontent de la fille lorsqu’il s’agissait de développer la petite entreprise! Voici comment se terminent les luttes claniques.La reprise est-elle là, comme le répète François Hollande ?Si la reprise était là, est-ce que François Hollande aurait besoin de le répéter tous les jours, matin, midi et soir? L’Unédic annonce 100.0000 chômeurs de plus en 2015. La reprise est là, vraiment? Qui peut le croire?Que pensez-vous des mesures en faveur de l’investissement annoncées par Manuel Valls et Emmanuel Macron ?Je ne peux pas désapprouver l’avance de remboursement de la TVA pour les investissements publics locaux puisque c’est une mesure que nous avions fait adopter nous-mêmes. À l’époque, les socialistes avaient voté contre. Mais quels sont les problèmes de l’économie française? Des impôts trop élevés, des dépenses publiques trop lourdes, une réglementation du travail trop rigide. Les mesures Valls-Macron vont-elles faire baisser la pression fiscale? Non, car les impôts ne vont pas baisser, et que 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires nous sont demandés par Bruxelles et que personne ne sait où le gouvernement va les trouver. Non seulement on n’a pas réduit le nombre de fonctionnaires – on a créé 60.000 postes dans l’Éducation nationale – mais on a supprimé le jour de carence dans la fonction publique. Dans le même temps, le gouvernement donne à l’assurance-maladie le droit de contrôler les établissements de santé privés pour savoir si leurs bénéfices sont « raisonnables », ce qui est la caricature de la bureaucratie. Avec le tiers payant généralisé, on veut aussi faire croire aux Français que la santé ne coûte rien. Mais la santé coûte : elle est payée par les cotisations de ceux qui travaillent. Cela va provoquer une explosion des dépenses. Et on veut faire des médecins des fonctionnaires de l’assurance-maladie, et alors, cela en sera fini de la médecine libérale à la française Est-ce qu’il y a une chance que l’économie reprenne?? La réponse est non. Parce que toute la stratégie de François Hollande consiste à espérer la reprise en se basant sur deux critères auxquels il est totalement étranger : la baisse du prix des matières premières, conjoncturelle, et la baisse des taux d’intérêt, qui sont aujourd’hui à un niveau si bas qu’ils ne peuvent que remonter.Contre le chômage, on a tout essayé ?Non. Il n’y a pas de fatalité. Ces trois dernières années, le chômage a reculé aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne. Il recule en Espagne. Pourquoi sommes-nous les seuls parmi les six premières économies mondiales à ne pas connaître le recul du chômage? Parce que nous sommes les seuls à avoir fait le choix de la réduction du temps de travail, de l’augmentation des dépenses publiques et de l’augmentation des impôts. Comment voulez-vous que, faisant l’inverse de la politique menée par les autres, nous puissions avoir les mêmes résultats?Quel est l’état de vos relations avec Alain Juppé ?Nous nous connaissons depuis que j’ai 20 ans C’est un homme pour qui j’ai beaucoup de considération et d’amitié. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais nous n’allons pas nous fâcher parce que je suis contre les salles de shoot et qu’il est pour. Nous n’allons pas nous fâcher parce qu’il n’est pas choqué par le port du voile à l’université alors que je pense qu’il faut se prémunir contre son développement. Nous avons des responsabilités tous les deux, nous les assumerons ensemble. C’est notre devoir et notre volonté communes.Et avec François Fillon ?Je l’ai nommé Premier ministre. Nous avons été capables pendant cinq ans de gouverner la France ensemble, et nous ne serions pas capables pendant deux ans de mettre de côté des malentendus ou des oppositions lorsque le destin du pays est en cause? Comment pourrais-je dire à chacun de faire un effort d’unité si je n’étais pas capable moi-même de passer au-dessus de cela? Donc nous nous parlons et, grâce à cela, nous apaisons. Je vous le dis : rien ni personne ne doit faire obstacle au rassemblement.Quel regard portez-vous sur le conflit à Radio France ?Radio France est devenu un bateau ivre. Une ministre totalement dépassée, un président trop peu expérimenté à qui on fait jouer le rôle de bouc émissaire, des syndicats trop puissants enfermés dans un conservatisme archaïque, voilà le résultat de la politique de François Hollande! Et que dire de nos théâtres, à qui on a sabré les crédits avec une brutalité sans précédent ; du cinéma que le pouvoir n’invite que pour des mondanités, ignorant totalement les enjeux majeurs que représente l’industrie cinématographique ; de la musique, qu’on laisse seule face à des difficultés considérables. Je voudrais rappeler cette conviction qui est pour moi inébranlable?: la culture sera l’une des réponses à la crise que nous connaissons. C’est pourquoi il faut continuer à investir dans notre patrimoine, protéger les financements au profit de la création artistique. Il faut favoriser, comme nous l’avions fait avec la Philharmonie à Paris, avec le Louvre à Lens, avec Beaubourg à Metz, avec le MuCem à Marseille, les investissements culturels. Plus généralement je suis consterné par le manque de considération pour la création artistique et le monde de la culture de ce gouvernement. Dans la patrie de Victor Hugo, de Maupassant, de Balzac, pour ceux qui se voulaient les successeurs de François Mitterrand, quel désastre.Propos recueillis par Dominique de Montvalon et Christine Ollivier
Source: Actualités UMP

Leave a Comment
Partager
Posté par

Derniers articles

Élection à la Présidence des Républicains – Résultats du 1er tour

Chères amies, chers amis, Merci pour votre participation au premier tour de l’élection à la…

décembre 4, 2022

Non à l’expulsion de Salah Hamouri

Cela fait 20 ans que Salah Hamouri, avocat franco-palestinien est persécuté par Israël, puissance occupante.…

décembre 4, 2022

Élection à la Présidence des Républicains – Participation à 20h

Le 1er tour de l’élection à la Présidence des Républicains s’est ouvert ce samedi 3…

décembre 3, 2022

Repères Républicains : Le rôle de l’école aujourd’hui

Retrouvons-nous ce mercredi 30 novembre à partir de 18h30 pour notre quatrième rendez-vous « Repères…

novembre 30, 2022

Nos députés interrogent le gouvernement

Ce mardi après-midi, lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, trois…

novembre 29, 2022