Bruno Retailleau : « La France a besoin d’une révolution pénale »

Président du groupe Les Républicains au Sénat, le sénateur de la Vendée propose une série de principes et de mesures pénales pour lutter contre les phénomènes d’hyperviolence, dont l’actualité fait état sur le territoire national de manière régulière.
Jean Castex organise une réunion interministérielle sur le phénomène brûlant des bandes, vendredi. Le gouvernement a-t-il les moyens de relever ce défi ?
Ce n’est pas un énième plan contre les bandes qui peut colmater la brèche. La Duchère, Rilleux-La- Pape, Bron, Pantin, Beauvais, Poissy, deux adolescents grièvement blessés, une jeune fille de 14 ans jetée dans la Seine, une rixe dans le 16e arrondissement de Paris… Chaque jour apporte son lot d’émeutes, de guérillas urbaines, de batailles rangées. Le phénomène des bandes a progressé de 24 % depuis 2019. Nous assistons à la chronique quotidienne d’une barbarie ordinaire.
Pourquoi jugez-vous urgent de sonner l’alarme ?
Car nous sommes en train de nous habituer à cette barbarie ! S’abandonner à la fatalité, c’est faire preuve de lâcheté. Au contraire, nous devons réagir car ces troubles à l’ordre public créent un trouble à l’ordre civique : plus d’un Français sur deux n’a plus confiance en la justice. Ce dont nous avons besoin c’est d’une révolution pénale, pour remettre les choses à l’endroit.
Quel bilan faites-vous des années Macron en matière de lutte contre l’insécurité ?
Dans ce domaine, son échec est flagrant. Sa faute originelle est d’avoir donné raison aux ultra-violents de Notre-Dame-des-Landes contre les décisions de justice et la démocratie. Il a enclenché un mécanisme profondément destructeur. Un cap a été franchi pendant ce quinquennat, non seulement dans le degré des violences mais aussi dans leur périmètre : il y a désormais une violence rurale que nous n’avions jamais connue.
Quelles sont les causes profondes de cette hyperviolence ?
Il y a un délitement de l’autorité familiale, l’école ne transmet plus certaines valeurs cardinales. Et là où il n’y a plus d’éducation, ni de transmission, la barbarie apparaît. À force d’avoir dit pendant des années que tout se vaut, la frontière entre le bien et le mal s’est effacée chez certains jeunes. Ce nihilisme est absolument terrifiant. Nous pourrons multiplier éternellement les Beauvau de la sécurité mais si nous ne traitons pas les causes, nous n’y arriverons jamais.
Que proposez-vous pour lutter contre ce fléau ?
La sanction est la première mesure éducative, le seul moyen pour que ces jeunes délinquants prennent conscience de la gravité de leurs actes. Il faut rétablir une proportionnalité entre la gravité de l’acte et la sanction. C’est la raison pour laquelle il faut ne faut plus que la main de l’État tremble : il faut une révolution pénale avec deux principes forts. Le premier consiste à remettre la victime au centre de la décision judiciaire. La question n’est pas de savoir si le délinquant peut avoir ou non des circonstances atténuantes mais d’évaluer les dommages de la victime, notamment en matière d’intégrité physique. Le deuxième principe est de ne pas avoir en France d’infraction sans peine, ni de peine sans exécution. En Loire-Atlantique, après 34 vols et cambriolages, un mineur de quinze ans a simplement écopé d’un rappel à la loi. Il faut supprimer le rappel à la loi. La loi n’a pas à être rappelée, la loi doit être appliquée. Je propose aussi d’abaisser la majorité pénale à 16 ans, puisque les 16-17 ans représentent plus de la moitié des jeunes délinquants dont nos juridictions sont saisies. Il faut encore envisager la création de courtes peines de prison dans des centres dédiés car ces peines sont les seules sanctions réellement dissuasives. Cela a été fait à New York dans les années quatre-vingt-dix mais aussi aux Pays Bas où les premiers délits sont sanctionnés par la détention, où l’on incarcère deux fois plus qu’en France mais où l’on compte deux fois moins de détenus en prison. Si cela marche en Hollande, pourquoi la France ne le ferait-elle pas ? Malheureusement, le gouvernement a choisi la voie inverse : la loi de mars 2019 rend impossible de fixer une peine de prison inférieure à 1 mois. Et les peines comprises entre 1 et 6 mois sont exécutées, par principe, en dehors de la prison. En réalité, nous ne sommes pas sortis de l’ère Taubira et nous voyons, avec Éric Dupond-Moretti le prolongement d’une idéologie qui envisage la prison que comme un dernier recours. C’est la culture de l’excuse. Mais à force de ne pas sanctionner, on ne décourage pas la récidive et l’on instaure, de fait, un droit de tabassage. Cette hyperviolence est le fruit d’un hyperlaxisme qui déresponsabilise les coupables, démoralise les victimes et décrédibilise la justice.
Cette politique ne risque-t-elle pas de se heurter au problème de la surpopulation carcérale ?
Il faut créer plus de places de prison, ce devrait être une priorité. Pour les mineurs, il faudra prévoir au moins un centre par région.
Pourquoi jugez-vous indispensable d’agir à l’échelon parental ?
Car le premier lieu de responsabilité, c’est la famille. C’est pourquoi je propose de responsabiliser les parents démissionnaires en prévoyant la suspension des aides sociales et familiales. Je demande au garde des Sceaux de rédiger une circulaire aux parquets pour favoriser un usage plus grand de l’article 227-7 du Code pénal.
Quelles sont les conditions pour la mise en œuvre d’une telle « révolution pénale » ?
Il faut d’abord un courage politique, et ensuite il faut des moyens. Le poids des dépenses régaliennes justice, sécurité et défense était de 6,5 % en 1965 contre 2,5 % aujourd’hui. Un plan Marshall s’impose pour réarmer la police et la justice. Nous n’avons pas assez de greffiers et la France compte moitié moins de magistrats pour 100 000 habitants que la moyenne européenne. Cela représente très peu de choses par rapport au « quoi qu’il en coûte » présidentiel. Si nous n’enclenchons pas cette révolution pénale, nous aurons une insurrection électorale.
La question migratoire vous semble incontournable dans cette réflexion. Pour quelles raisons ?
La justice est aujourd’hui submergée par les vagues d’une immigration incontrôlée. Rien qu’en région parisienne, en novembre dernier, le parquet de Paris a fait savoir que près de 75 % des mineurs jugés étaient étrangers. Ces jeunes MNA (mineurs non accompagnés) occupent parfois plus de 50 % des places dans les centres où ils sont placés, sachant que certains sont de faux mineurs ! Je propose que le refus de se prêter à un test osseux soit considéré comme une présomption de majorité. Par ailleurs, il faut réécrire le droit des étrangers, pour pouvoir expulser, restreindre le nombre d’entrées mais aussi durcir les conditions d’obtention de la nationalité.
Vous venez de lancer une série hebdomadaire de propositions avec cette thématique sur la justice des mineurs. Comptez-vous dérouler ainsi les grandes lignes d’un projet présidentiel ?
En tout cas, mon combat, c’est la primaire de la droite. Sans elle, nous n’aurons pas de vrais débats sur les idées.
Pourquoi devrait-on croire que la droite sera capable d’apporter des solutions pour la sécurité en 2022 ?
Dans ce domaine, les électeurs reprochent à la droite de ne pas en avoir fait assez. Notamment sur la double peine qu’il faudra intégralement rétablir. La seule façon de gagner la présidentielle, c’est de convaincre les Français que nous renverserons enfin la table.
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Source: Actualités LR

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