Intervention de Guillaume Bachelay lors du Conseil National du 24 juin 2017

Mes camarades, cher Jean-Christophe, 
Le socialisme français vit un point zéro de son histoire et tout notre devoir est d’en faire le point d’un nouveau départ. 
C’est une tâche immense. Elle exigera humilité et unité. L’humilité, c’est se poser des questions avant d’asséner des réponses, sinon, les certitudes ne sont que des habitudes. L’unité, c’est dans le débat s’écouter, se respecter, c’est réfléchir pour reconstruire plutôt que fractionner et fracturer. En somme et en bons laïcs, le temps n’est ni aux chapelets ni aux chapelles.
Parmi les défis idéologiques, stratégiques, organisationnels, humains évoqués par le premier secrétaire dont je peux témoigner à ma place de l’attachement de chaque jour à notre collectif, je m’en tiendrai à ce stade à trois questionnements. 
D’abord, où en est le socialisme ? Le temps des explications viendra. Il sera utile s’il sert à régler des problèmes et pas des comptes, et s’il porte sur notre action aux responsabilités, mais pas seulement, car notre échec est collectif et il vient de loin – il est même continental.
Il y a les causes électorales et hexagonales, les plus visibles. 
Une « vague historique, vague politique dont l’assise populaire repose sur le vote d’un inscrit sur six au premier tour des législatives – c’est une donnée majeure qui n’a pas fini de faire sentir ses effets dans les années qui s’ouvrent. 
L’abstention, avec les bulletins blancs et nuls, qui juge la politique impuissante à changer le cours des choses, qui somme les lieux de pouvoir d’être des lieux de puissance. 
Il y a la fragmentation des candidatures de gauche et écologistes, malgré avec eux, je crois, un accord.
Et puis à coup sûr la sanction de nos incohérences et de nos divisions qui ont matricé continûment l’exercice du pouvoir.
Mais la grande cause ici et ailleurs, la cause des causes, c’est l’épuisement du projet social-démocrate. Ses compromis issus des Etats-nations sont percutés de la globalisation. Ses objectifs historiques – extension des libertés, protection sociale, décentralisation – ont été réalisés au profit de toute la société. Quant à nos valeurs régulatrices et interventionnistes, elles sont apparues plus souhaitables et valables que l’hyper-marché déréglé lors de la crise de 2008, mais dans la décennie suivante, les dégâts des dettes souveraines et des politiques d’austérité ont privé la gauche de ses leviers classiques : des ressources pour la redistribution sociale et l’investissement public. En Europe et en France, sur le temps long, il a manqué la redéfinition de l’idée socialiste dans le monde global, ouvert, connecté.
D’où une deuxième interrogation : la réflexion conditionne toute reconquête, mais par quelles questions l’engager ?
Il est prématuré et il serait présomptueux d’en dresser maintenant la liste complète. Mais plusieurs sujets devront, je le dis, cette fois-ci, être traités et tranchés.
Et d’abord, notre rapport à la mondialisation. Elle a pris la gauche au dépourvu et cela continue, car nous nous obstinons à l’aborder comme une nouvelle économie alors qu’elle est une nouvelle grammaire, un nouveau réel. Nous devons prendre la mesure des mutations sans verser dans l’économisme qui relègue ou ignore les enjeux climatiques, migratoires, sociaux, éthiques, sécuritaires. De notre rapport à la mondialisation procède bien sûr notre vision de l’Europe.
Ensuite : quel modèle de production et de redistribution revendiquons-nous ? Il doit être clairement social-écologique. L’alter-croissance, ce n’est pas la décroissance, c’est une croissance écologique et collaborative. Elle passe par de la qualité et de la durée dans les investissements et les financements, et suppose que les biens et services produits répondent à des besoins nouveaux, comme le vieillissement, donnée majeure de nos sociétés.
Autre champ à questionner : notre rapport au travail. Que l’économie de l’immatériel pèse sur l’activité et l’emploi, qu’il faille de nouvelles protections collectives et individuelles – comme le CPA – ne signifie pas la fin du travail, ni celle du lien entre activité et revenu. C’est un débat décisif pour renouer avec les catégories populaires et les classes moyennes. 
Décisif aussi, notre rapport à la nation. En France, elle se confond avec l’Etat et la République. Nous l’avons vu dans les campagnes électorales : qu’il s’agisse de l’accès aux médecins, aux transports, au très haut débit, des millions de nos concitoyens ne se demandent pas ce que l’Etat veut mais ce qu’il peut – et pour qui. Le besoin de République est urgent car, en trois décennies, ce qui faisait lien a été désagrégé sous l’effet de la globalisation, de la désindustrialisation, du chômage de masse, de la précarité. C’est l’enjeu des services publics, de l’aménagement du territoire, j’ajoute de l’école républicaine qui n’a pas uniquement besoin de moyens, mais d’un dessein – quand on est socialiste, c’est rendre indissociables l’égalité des chances et l’excellence.
Enfin, il y a notre rapport à la démocratie et au pouvoir. La démocratie pour les socialistes, c’est la raison contre la violence et la médiation contre l’absolutisme, donc le socialisme, c’est l’attention aux dynamiques des territoires avec nos élus locaux, de la société civile, des forces associatives, syndicales, mutualistes, coopératives. Pour nous, le pouvoir n’est pas une option, c’est une obligation pour transformer le réel, qu’il s’agisse de la vie quotidienne ou du vaste monde. Ce qui suppose de dire clairement et préalablement le souhaitable et le possible.
Ma troisième et dernière réflexion concerne le nouveau pouvoir et notre manière de nous y opposer.
On parle à juste titre de techno-bonapartisme et de parti-entreprise. Mais je crois qu’on aurait tort de réduire à une aventure personnelle un pouvoir qui s’éprouve comme une mission idéologique dans l’Histoire : conjuguer le libéralisme économique et le libéralisme culturel – quitte, d’ailleurs, à mettre à distance le libéralisme politique pour concentrer le pouvoir – et par là forger une base sociale durablement majoritaire.
Ce dessein revendique une géographie – les grandes villes des métropoles ; il déploie un récit – un bloc central avec deux radicalités, l’une gauchiste-autoritaire, l’autre nationaliste- xénophobe ; enfin et surtout, il active un ressort qui est une donnée fondamentale de nos sociétés démocratiques : l’individualisme de masse, l’autre nom de la société atomisée. Voilà, je crois, la nature profonde de ce pouvoir. 
Le vote qui aura lieu dans quelques jours à l’Assemblée nationale est l’occasion de le caractériser en même temps que notre opposition.
Les socialistes n’appartiennent pas à la majorité présidentielle : Ils ne peuvent donc pas voter la confiance au gouvernement.
Les socialistes souhaitent la réussite de la France et nous avons fait campagne en nous engageant à être constructifs et vigilants. Etre constructifs, c’est vouloir la réussite du pays, j’ajoute de l’Europe, et ne pas verser dans une opposition qui serait mécanique ou dogmatique. Etre vigilants, c’est dire nos inquiétudes, nos désaccords et c’est poser à ce nouveau pouvoir des questions aussi simples qu’essentielles, en nous tournant vers les Français. Dès lors qu’il dispose d’une large majorité au Parlement, pourquoi le pouvoir s’échine-t-il à procéder par ordonnances sur le code du travail ? Comment accepter, dans une République une et indivisible, l’éducation à la carte en matière de rythmes éducatifs ? Comment garantir des services publics présents et de qualité avec moins de fonctionnaires ? Quelle sera la position de la France sur le CETA, notamment sur ses aspects énergétiques orthogonaux à l’Accord de Paris sur le climat ?
Notre refus de voter la confiance au gouvernement Macron-Philippe doit être une adresse aux Français au nom de ce que nous sommes : la gauche de gouvernement, la gauche sociale et écologique, la gauche  républicaine et européenne. Voilà la position et la stratégie qui affirmeront à la fois notre identité, notre utilité, notre unité.
Voilà les camarades quelques premières libres réflexions. J’appartiens à une génération qui n’a pas connu Epinay mais qui veut ardemment, avec abnégation, tenter de bâtir le prochain, avec une conviction : le présent et l’avenir ont et auront besoin de l’idée socialiste. Il nous revient de la réinventer en militants, avec les militants. C’est affaire d’engagement, de comportements, de dévouement.
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Source: Actualités du PS

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