Benoît Hamon : « Voter Macron, un acte difficile mais un choix évident »

Dans les heures exceptionnellement graves que connaît notre pays, je souhaite m’adresser à la raison de chacune et de chacun. Je sais que beaucoup d’entre vous, en particulier à gauche, sont plongés dans un doute sincère, auquel s’ajoute une colère légitime. Fidèle à mon éthique, respectueux de votre questionnement, je n’entends faire appel ni à la culpabilisation ni aux leçons de morale, mais bien à la raison, à l’intelligence collective et à la conscience individuelle de mes concitoyens.
Abolir notre discernement serait une terrible victoire offerte à l’extrême droite. Les invectives, les divisions, les calculs auxquels nous assistons depuis quelques jours sont déjà pour tous les républicains une défaite morale, plus grave peut-être encore que la débâcle électorale. « Quand les blés sont sous la grêle/Fou qui fait le délicat/Fou qui songe à ses querelles/Au cœur du commun combat », chantait le poème d’Aragon.
Dimanche prochain, je voterai contre l’extrême droite au moyen du bulletin portant le nom d’Emmanuel Macron. L’acte sera difficile, mais le choix évident. Cet acte ne vaut en rien soutien à son projet, auquel je m’opposerai sans ambiguïté, et il importe de dire ex ante que le résultat de dimanche sera un soutien à la République et non à sa politique. Ni même à sa campagne, aussi dangereusement maladroite qu’arrogante, elle-même empreinte d’un populisme qui aggrave une indifférenciation toxique pour le débat public.
Je mesure à quel point vous, femmes et hommes de gauche, supportez aujourd’hui les consé­quences du comportement d’élites inconséquentes : le succès de ­l’extrême droite, de ses mots et de ses idées, doit interroger au premier chef les médias qui les ont surexposés, autant que les dirigeants politiques qui les ont récupérés et banalisés. Vous n’êtes pas davantage responsables des affaires, des fractures mortelles à gauche, des manquements à la parole donnée, de toutes ces promesses déçues qui alimentent non seulement la désespérance sociale, mais aussi une forme de nihilisme.
Pourtant, je vous demande de mieux servir la République que vos gouvernants, de lui être plus loyaux, d’être sa force quand ils l’ont affaiblie. L’abstention comme le vote blanc sont un droit. Mais seule votre lucidité, votre jugement de peuple souverain, peut distinguer dimanche prochain un adversaire politique d’une ennemie de la République. Elle veut, dans la confusion, provoquer votre démobilisation et en profiter : même si elle échoue, ce qui n’est pas acquis, elle veut utiliser votre abstention pour s’arroger le meilleur résultat possible, emporter une victoire symbolique, faire avancer encore un peu plus ses idées nauséabondes dans la société. A l’égard de citoyens responsables, je n’agiterai pas les peurs comme elle, mais il est essentiel d’éclairer les conséquences.
Vous connaissez son projet. C’est la désagrégation de la nation au profit d’un pouvoir autoritaire qui nous dressera les uns contre les autres selon nos croyances, nos origines, notre couleur de peau ou notre orientation sexuelle. C’est la destruction de l’Europe et la fin, comme toujours avec l’extrême droite, de l’indépendance nationale au profit de puissances étrangères comme celle de M. Poutine. C’est l’atteinte au service public, les menaces sur les fonctionnaires qui ont déjà commencé, la fin de la laïcité, les enfants de chômeurs exclus des cantines comme au Pontet et les enfants musulmans fichés dans les classes comme à Béziers. Ce sont les affaires, dans les collectivités qu’elle dirige comme au Parlement européen. Par quel mensonge Mme Le Pen, héritière millionnaire qui ne s’intéresse qu’au bulletin de vote des ouvriers et jamais à leur bulletin de paie, ­serait-elle la candidate du peuple ?
Dans cette période troublée, mon devoir est de parler clair : on ne peut pas renvoyer dos à dos une force qui s’inscrit dans la démocratie et une force qui la conteste. Les porteurs de politiques libérales, s’ils sont un carburant du Front national, ne peuvent être mis sur un pied d’égalité avec lui, avec son autoritarisme, son racisme, son sexisme, ses cohortes d’« anti-Lumières », comme les nomme l’historien Zeev Sternhell, intégristes, vichystes, nostalgiques de l’OAS, néonazis et identitaires, cachés derrière sa vitrine légale. Posons-nous la question : les manifestations aux cris de « ni Marine ni Macron » pourront-elles avoir lieu si elle accède, demain, au pouvoir ? Confondrons-nous ceux dont les idées contredisent les nôtres et ceux qui veulent interdire la liberté même d’exprimer des idées ?
Je sais que vous ne supportez plus l’étouffoir de la Ve République, un pouvoir vertical à bout de souffle dont l’hyperpersonnalisation ne peut aboutir, dans un monde complexe, qu’à l’impuissance, l’échec et la frustration qui en découlent. Je sais aussi que vous êtes las de la politique spectacle, où les affrontements stériles et la communication omniprésente ont asséché le débat d’idées. Si nous ne voulons plus vivre sous la fatalité annoncée d’un nouveau 21 avril, il nous incombe d’être plus exigeants avec nous-mêmes, de repenser la délibération démocratique, le service de l’intérêt général, la participation de chacun aux décisions qui engagent l’avenir de tous.
Mais, avant cela, je vous conjure de ne pas offrir votre colère au Front national, ni en votant pour lui évidemment ni même en lui donnant votre indifférence. Etre de gauche, c’est s’indigner, c’est souvent dire non, mais c’est aussi s’engager. Etre de gauche c’est, en tout temps et en toutes circonstances, faire le choix de la raison et de la ­République.
Benoît Hamon
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Source: Actualités du PS

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