PPL Livre : une attaque plus directe du modèle d’Amazon aurait été plus opportune

Intervention de Michel LARIVE dans le cadre du texte « Conforter l’économie du livre ».

« Le bras de fer avec les géants du secteur du livre ne date pas d’hier. En 1981, la loi Lang avait pour but de considérer le livre comme autre chose qu’une marchandise et de refuser que le principe européen de la concurrence libre et non faussée ne lui soit appliqué. Cette loi a permis de protéger la librairie indépendante et les petits éditeurs. Depuis, le prix du livre est fixé par l’éditeur et le libraire ne peut appliquer une remise supérieure à 5%. De plus, les livres ne peuvent être soldés que 2 ans après leur parution. Pour obtenir cela, la bataille fut difficile ! Leclerc et la FNAC s’étaient insurgé avec force et certains considéraient qu’il était impossible de contraindre ces grandes entreprises. Pourtant, nous y sommes parvenus.

Quelques années plus tard, l’apparition des sites de vente en ligne, et en particulier d’Amazon, a rebattu les cartes. Les librairies indépendantes étaient mises en danger, notamment sur la question des frais de port. C’est la raison pour laquelle en 2014 une loi dite « anti-Amazon » a interdit aux sites de vente en ligne de cumuler la gratuité des frais de port avec les 5% de remise sur le prix du livre.

4 ans plus tard en avril 2018, avec notre collègue Yannick KERLOGOT, nous avons rendu un rapport sur l’évaluation de cette loi. Notre travail commun a permis de mettre en avant les aspects inefficaces de la loi interdisant les frais de port gratuits. Effectivement, les grandes plateformes telle que la FNAC ou AMAZON, dès le lendemain de la publication de la loi, ont facturé leurs frais de port à 1 centime d’euros. Ce montant dérisoire a aggravé la distorsion de concurrence entre les grandes plateformes et les détaillants.

C’est la raison pour laquelle la volonté de lutter contre ce contournement de la loi de 2014 est une bonne chose. Vous proposez de « rétablir un équilibre entre les librairies indépendantes et les acteurs du e-commerce comme la Fnac et surtout Amazon », en légiférant sur les tarifs de livraison et en permettant des subventions aux petites et moyennes librairies par les communes. Ce dispositif propose donc de faire payer davantage les acheteurs et de s’appuyer sur le soutien financier des collectivités territoriales.

Nous considérons qu’une attaque plus directe du modèle d’Amazon aurait été plus opportune. Rappelons que cette entreprise détruit beaucoup plus d’emplois qu’elle n’en crée. Qu’elle participe de l’artificialisation des terres et est championne en matière d’émission de CO2. Nous regrettons que cette proposition de loi n’ait pas été l’occasion de taxer les profits exceptionnels d’Amazon pendant la crise, de réformer la fiscalité du e-commerce, de lutter contre la fraude à la TVA et le contournement des taxes, d’interdire ou de limiter la construction des entrepôts de e-commerce etc. Les propositions que je viens de formuler sont pourtant soutenues par de nombreux syndicats et associations. Elles ont déjà fait l’objet de propositions d’amendements pour certaines, lors de l’examen du projet de loi sur la Convention Citoyenne pour le Climat, toutes retoquées par la majorité.

Autre lacune de cette proposition de loi censée « renforcer l’équité et la confiance » entre tous les acteurs du secteur du livre : elle ne prévoit aucun dispositif permettant d’assurer pour nos créateurs, les conditions d’une vie digne, alors que la moitié d’entre eux gagnent moins que le SMIC. Nous avons formulé des propositions dans ce sens, dont nous n’avons pas pu débattre, puisque nos amendements ont été jugés « irrecevables ». Par exemple, nous souhaitions mettre en place un fonds de soutien à la création artistique dans des disciplines relevant des arts plastiques, graphiques et visuels, des arts cinématographiques, audiovisuels et photographiques, de la littérature et de l’illustration. L’objet de ce dispositif, que je ne détaillerai pas ici, mais je vous invite à vous référer à ma proposition de loi sur le sujet, a pour but de doter les artistes-auteurs d’un véritable statut social. Les subsides obtenus grâce à cette mesure leur permettraient de développer leur activité artistique et de ne plus être forcer d’exercer des métiers « alimentaires » en parallèle de leurs créations. Nous n’avons pas pu en débattre.

Chers collègues, nous partageons le souhait de rétablir les conditions d’une concurrence équitable entre les libraires et les plateformes en ligne. Nous sommes pour conforter le prix unique du livre. Nous partageons le combat contre la gratuité des frais de port. Cette dernière multiplie artificiellement les commandes en ligne et nous préférons que les lecteurs s’approvisionnent localement auprès de nos libraires, qui dans l’esprit de la loi Lang, sont de véritables messagers de la culture.

J’ai également reçu des contributions de libraires de mon département, notamment la librairie « Majuscule » de Foix ou encore la librairie « Bleu du Ciel » à Pamiers, qui sont favorables à ce dispositif.

Pour toutes ces raisons, tout comme en commission, nous accompagnerons nos débats en proposant des amendements visant à combler les déficits structurels de votre texte. »

Source: Actualités La France insoumise

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