Eric Woerth : « Nous voilà en pleine euphorie dépensière ! »

Le président LR de la commission des finances de l’Assemblée nationale s’inquiète de la dérive des comptes publics et du peu d’attention portée à ces questions, pourtant essentielles, de finances publiques.
Vous vous inquiétiez avant l’été de la dérive dépensière du gouvernement. Le nouveau budget confirme-t-il vos appréhensions ?
Je parlais d’ambiance dépensière, puis de dérive dépensière, et maintenant nous voilà en pleine euphorie dépensière ! Nous sommes trop peu à le dire. La crise a en effet caché beaucoup de hausses des dépenses courantes. En 2020, selon la Cour des comptes, l’exécutif a augmenté les dépenses de 96 milliards d’euros, dont 83 milliards liés à la crise. En 2021, de 66 milliards, dont 25 liés à la crise et 41 hors urgence et relance. En deux ans, les dépenses ordinaires ont progressé de 54 milliards. Au total, la dépense publique augmente quatre à cinq fois plus fort qu’auparavant. Je ne critique pas les dépenses exceptionnelles, il était essentiel de soutenir l’économie et la reprise pour préparer la croissance de demain.
Que recouvrent ces nouvelles dépenses courantes que vous critiquez ?
Ce sont des dépenses qui s’inscrivent dans la durée. Par exemple, on retrouve une partie du « Ségur de la santé » qui coûtera 12 milliards d’euros par an, les lois de programmation pour la défense ou pour la justice, le Beauvau de la sécurité, l’augmentation de la rémunération des enseignants ou encore la prime d’activité… Les besoins sont évidemment immenses, je ne les conteste pas. Mais il serait dangereux de répondre à tout : on ne peut pas financer l’avenir d’un pays par l’endettement. Or, aujourd’hui, la moitié des dépenses de l’État sont assises sur de la dette.
Le budget 2022 s’annonce-t-il sur la même ligne ?
Oui, clairement. Sur le hors-crise, Bruno Le Maire a cité le chiffre de 11 milliards d’euros de dépenses pérennes supplémentaires sur le périmètre de l’État seulement, sans prendre en compte notamment le nouveau plan d’investissement et le revenu d’engagement pour les jeunes. Je ne voudrais pas qu’on ait réussi à soutenir l’économie pendant l’épidémie, à mettre en place le plan de relance de 100 milliards d’euros, pour finalement rater la sortie de crise en retombant dans la vieille habitude française qui consiste à régler tous les problèmes par de la dépense. Le TGV de la dépense est lancé, j’aimerais que quelqu’un tire la sonnette d’alarme. Le point faible de la France, ce ne sont pas les moyens financiers, mais l’efficacité. Toutes les enquêtes internationales nous le rappellent. La vraie question, c’est : faut-il panser nos plaies avec toujours plus de dépenses ou bien penser différemment nos politiques publiques ?
Nous sommes en année électorale, ce mouvement dépensier n’est-il pas inévitable ?
Je mesure bien le climat dans lequel tout cela se situe, mais nos finances ne peuvent pas être la cinquième roue du carrosse ni une souveraineté de second rang. Les finances publiques sont celles des Français, des ménages comme des entreprises. Nous sommes encore aux prémices de la campagne, celle-ci ne peut pas être un concours de démagogie entre majorité et opposition.
L’opposition n’est d’ailleurs pas en reste sur ce registre, y compris dans mon propre camp politique. Je pense à tous ceux qui annoncent des dépenses supplémentaires financées par la lutte contre la fraude, qui promettent qu’on remboursera la dette avec la seule reprise de la croissance ou qui annoncent de massives baisses d’impôts hors de portée !
Qu’aurait-il fallu faire pour ce budget 2022 ?
Pour ce dernier budget du quinquennat, le président d’aujourd’hui engage le président de demain. Il doit éviter de courir après toutes les dépenses, sans doute identifier encore plus clairement les notions de soutien, de relance et de dépenses courantes. Je pense aussi que le président de la République devrait faire une déclaration solennelle sur la situation des finances publiques, en expliquant comment il envisage de restaurer durablement nos marges de manœuvre financières. Il ne peut pas y avoir des plans sur tout, sur la santé, pour les jeunes, pour Marseille… sauf pour les finances publiques ! Il faut des signaux clairs et mettre en place une méthode : réaliser une revue des dépenses, prioriser les politiques publiques et faire évoluer les règles nationales et européennes.
Craignez-vous une hausse des taux d’intérêt ?
Les économistes sont pourtant moins inquiets sur ce point. On ne peut jouer l’avenir du pays à la roulette russe, en se disant que la hausse des taux n’est pas pour demain et que les dépenses de relance vont entraîner de la croissance… Cessons de cultiver cette vision incantatoire des finances publiques ! Il faut protéger la France. N’oublions pas qu’elle a déjà abordé la crise dans une situation de faiblesse relative. Prendre le risque de continuer à dépenser à ce rythme revient à soumettre le pays à des risques extérieurs sur lesquels nous n’avons aucune prise. Rappelons que la hausse des taux se nourrit de l’accroissement des tensions, de la baisse de la productivité, de l’explosion monétaire… Face à ce risque, la France est exposée à tous les vents. Tout le monde sait qu’une augmentation de 1 point de taux augmente de 30 milliards d’euros la charge de la dette à l’horizon de dix ans pour l’État. Ce sont des sommes impossibles à décaisser si nous ne nous préparons pas suffisamment en avance.
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Source: Actualités LR

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