Éric Woerth : « La course à la dépense supplémentaire est mortifère »

Pour le président de la commission des finances à l’Assemblée, notre niveau d’endettement questionne la souveraineté financière de la France.
Éric Woerth est député LR de l’Oise. Il préside depuis juin 2017 la commission des finances à l’Assemblée. Ce féru d’alpinisme, qui a porté la réforme des retraites de 2010, connaît parfaitement bien les questions budgétaires pour avoir été de 2007 à 2010, en pleine crise financière, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique dans les premiers gouvernements Fillon. Il a également été plusieurs fois responsable des volets économiques des programmes présidentiels de son parti.
Le « quoi qu’il en coûte » présidentiel, en place depuis plus d’un an pour aider les entreprises face à la crise, doit-il s’arrêter ?
Le gouvernement doit progressivement débrancher les aides d’urgence dans les mois qui viennent. Sinon, à un moment donné, le «quoi qu’il en coûte» risque de coûter plus cher que le bénéfice collectif que l’on en retire. L’exécutif devrait d’ailleurs publier un calendrier de désengagement clair et précis sur les extinctions progressives des mesures de soutien.
Craignez-vous, comme c’est souvent le cas en année présidentielle, un budget 2022 électoraliste avec une explosion des dépenses ?
Je crains d’autant plus une nouvelle dérive budgétaire qu’une ambiance dépensière s’est installée ces derniers mois, avec des ministres qui annoncent régulièrement de nouvelles dépenses. Le «quoi qu’il en coûte» ne peut pas devenir le «quoi qu’il arrive» ou une fuite en avant des dépenses courantes. Toutefois, nous ne devrions pas assister à une explosion non maîtrisée de la dépense publique car toute aide qui serait interprétée comme électoraliste serait sanctionnée par l’opinion publique.
Le gouvernement ne prévoit pas d’assainissement des comptes publics avant 2023. A-t-il raison de patienter ?
Non, nous ne pouvons pas sortir de la crise sans agir. Le programme de stabilité du gouvernement, qui définit la trajectoire des finances publiques entre 2023 et 2027, n’est pas ambitieux. Il n’est pas suffisant de limiter la progression de la dépense à 0,7 % pour arriver à une stabilisation de la dette seulement en 2027. L’exécutif doit, dès maintenant, donner des signaux structurants et clairs en matière d’assainissement des comptes publics. L’avenir, c’est la croissance et la baisse de la dépense ! Il faut oser et doser les propositions en passant à l’acte dès l’an prochain. 2022 ne peut pas être une année blanche sur le terrain des économies ainsi que des réformes.
Plus largement, j’insiste sur deux points: c’est bien l’excès de dépenses qui est à l’origine des déficits, et non pas le faible niveau des recettes ! En outre, ce n’est pas le coût financier de la crise Covid qui pose problème. Nous avons abordé cette pandémie avec une grande fragilité financière et un niveau de dépenses déjà bien plus élevé que dans les autres pays de l’OCDE et qui a encore augmenté de quelque 41 milliards d’euros entre 2020 et 2021 pour les dépenses ordinaires d’après le Haut Conseil des finances publiques… Avec un tel niveau d’endettement qui frôle les 117 % du PIB, la situation actuelle questionne la souveraineté financière de notre pays.
Vous dites qu’il faut agir. On vous suit mais comment ?
J’appelle à une double consolidation: consolidation de nos retraites et consolidation de notre tissu industriel. Cela signifie plus de justice sociale et de croissance ! Pour la réforme des retraites, qui est en réalité une réforme du travail, il faut laisser tomber l’idée d’une grande refonte systémique. Cette réforme doit être simple, facile à expliquer et efficace. Il est nécessaire de décaler l’âge de départ à la retraite. Le diagnostic est connu depuis longtemps: celui qui paie les pensions de ses prédécesseurs est aujourd’hui dans une situation risquée car il n’est pas certain que ses successeurs paieront à leur tour suffisamment.
Par ailleurs, je propose une réforme pour améliorer la compétitivité des entreprises fragilisées par la crise, et donc en faveur de l’emploi, en mobilisant l’énorme réserve d’épargne disponible par l’entremise de fonds d’investissement régionaux accompagnés d’une garantie publique sur le capital.
Dans son audit sur l’avenir des finances publiques publié la semaine dernière, la Cour des comptes préconise cinq réformes structurelles (santé, logement, emploi…) pour faire des économies. Est-ce ambitieux ?
Ce sont des réformes classiques. Ce qui serait original, ce serait de les mettre en œuvre. À ce propos, la réforme de l’assurance-chômage, qui n’est pas non plus une révolution, doit être appliquée dès cet été. On ne peut pas tout le temps tout remettre à plus tard.
Vous insistez sur une double consolidation: retraites et industrie. Mais rien sur la fiscalité. Vous ne pensez pas qu’il faudrait baisser les prélèvements sur les Français: impôt sur le revenu, CSG, TVA… ?
Il n’y aura ni création de richesses ni emploi sans compétitivité. Celle-ci s’érode et c’est bien le cœur de nos faiblesses ! Il faut continuer la baisse des impôts et des charges notamment ceux qui pèsent sur la production, car nous sommes champions en la matière. Nos impôts de production, rapportés au PIB, pèsent quatre fois plus qu’en Allemagne et deux fois plus que la moyenne européenne. En parallèle, il faut reconfigurer complètement la fiscalité locale mais j’affirme que la priorité reste la baisse des dépenses de fonctionnement.
La pression monte pour relever l’enveloppe de 100 milliards d’euros du plan de relance, jugée par certains insuffisante. Faut-il l’augmenter ?
Je n’y suis pas favorable. Le problème avec cette idée de débourser encore plus est que les besoins sont finalement infinis. Or la course à la dépense supplémentaire est mortifère. En revanche, pour être efficace, il ne faut pas hésiter à redéployer les crédits au sein du plan de relance. Quant à la structure même de ce plan, l’exécutif a fait un peu trop de saupoudrage alors qu’il faudrait mieux définir des priorités d’investissement. C’est d’ailleurs l’un des problèmes en France, on ne sait pas hiérarchiser !
>> Lire l’interview sur LeFigaro.fr
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Source: Actualités LR

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