Au mois de juillet et en l’espace de huit jours, le gouvernement d’Edouard Philippe a officialisé successivement un plan d’économie pour les territoires, une suppression des cotisations sociales remplacée par une hausse de la CSG, la fin de l’ISF substituée par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), une mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus mobiliers, une réforme du marché du travail et une réduction des budgets de la plupart des ministères.
Pour justifier cette avalanche de mesures, La République en Marche invoque la nécessaire diminution des dépenses publiques, la contrainte de la concurrence internationale, l’obligation de redynamiser la croissance. Pour les légitimer, ses responsables s’abritent derrière le concept bien pratique de « bon sens ». Et pour les fonder en raison, le parti du président les présentent comme des evidence-based policies, c’est-à-dire des politiques appuyées et validées par les travaux des chercheurs.
Mais les ont-ils bien lus ? Rien n’est moins sûr. A en juger par les nombreuses études publiées ces dernières semaines, ces choix ne serviront ni la France, ni les Français : ils creuseront d’abord les inégalités.
Une baisse des dépenses publiques aberrante
Qui pourrait s’opposer à la rationalisation des dépenses, si elle est au service de l’emploi et de la pérennité de notre modèle social, parce qu’elle maintient la reprise économique et contribue à diminuer le poids de la dette ? c’est ce qu’affirment les Marcheurs.
Prétendre qu’on pourra atteindre cet objectif en imposant aux collectivités territoriales un plan d’économie de 13 milliards d’euros sur 5 ans est pourtant une illusion.
Le gouvernement oublie de dire que ces collectivités territoriales ont déjà participé, à elles seules, à une réduction de 50% du déficit, bien qu’elles ne représentent que 20% des dépenses publiques. Vouloir leur imposer une restriction budgétaire supplémentaire ne fera que menacer la survie de services publics de proximité dont elles ont la charge : crèches, bibliothèques, centres de loisirs, cantines scolaires, service de l’eau, développement du numérique… Des services publics de proximité qui sont indispensables à la vie quotidienne des Français et qui bénéficient aussi à l’activité économique des territoires.
De même, ce n’est pas en réduisant le budget des ministères par rabot qu’on favorisera durablement une baisse de la dette.
A ce sujet, un récent rapport du Conseil d’Analyse Économique rappelle que les coups de « rabot » ne sont ni progressifs ni durables, car ils ne sont pas inscrits dans le temps et ne permettent pas d’assurer un assainissement des finances publiques sûr et pérenne.
Si le gouvernement écoutait réellement les chercheurs, il mettrait en place une vraie revue des politiques publiques en s’appuyant notamment sur des analyses coût-bénéfice. Il ferait émerger des options de réduction des coûts ou de redéfinition des périmètres d’intervention sans empiéter sur les perspectives de croissance et de création d’emploi. Enfin, il créerait des dispositifs temporaires d’indemnisation de ceux qui ont tout à perdre de ces changements et développerait des politiques d’accompagnement de mobilité et de formation des agents publics pour faire face aux évolutions de postes. Ce n’est pas le chemin que prennent les ministres d’Edouard Philippe.

Une réforme du marché du travail inutile
Son autre grand projet, la réforme du marché du travail, est là aussi battu en brèche par de récentes analyses statistiques et économiques.
La rigidité du marché du travail, un frein à l’embauche ? Une étude de l’INSEE, parue en juin 2017, montre que seuls 9% des employeurs » en sont convaincus. Les employeurs pointaient plutôt le manque de qualifications pour expliquer leurs difficultés à recruter.
Pour lutter efficacement contre le chômage et l’inactivité, il conviendrait, au contraire de favoriser la formation et le capital humain. En misant sur l’enseignement supérieur, en mettant en place la garantie-jeune et en créant le compte personnel d’activité pour faciliter les transitions professionnelles, les socialistes ont privilégié cette voie. Ce n’est visiblement pas celle pour laquelle le président a opté : le projet de loi d’habilitation pour les ordonnances sur la loi travail donne à voir des mesures qui ressemblent furieusement à celles que les socialistes avaient refusé d’intégrer à la loi El Khomri.

Une réforme fiscale inégalitaire
Enfin, le nouveau président compte révolutionner drastiquement la politique fiscale en remplaçant  l’ISF par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), en mettant en place un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus mobiliers et en augmentant la CSG.
Si l’objectif poursuivi par le gouvernement est de mettre en place une politique bénéficiant aux plus aisés, alors cet objectif sera atteint.
On ne peut que partager la conclusion qu’en tire l’OFCE, qui rappelle que la fin de l’ISF et la création d’une flat-tax de 30% sur le capital favoriseront surtout les ménages les plus riches. Cette réforme « coûtera 4 milliards d’euros aux finances publiques, provoquera une réduction fiscale de 2.6 milliards pour les 10% des ménages les plus riches de France et offrira un gain moyen de 4 225€ par an aux 1% des ménages les plus aisés »[1]. Quant à tous les autres ménages, le gain moyen de la réforme fiscale envisagée par Emmanuel Macron est estimé à … 55€ par an.
Néanmoins, ces derniers seront touchés par une augmentation de 1,7 point de la CSG, notamment  les 8 millions de retraités. Mesure particulièrement injuste puisque cet impôt est imputable à tout le monde, à un taux fixe, quel que soit le montant des revenus. Tout cela devrait favoriser la hausse des inégalités.
Et les inégalités font peser un risque majeur pour la croissance. Même le FMI le reconnaît : « si le seul revenu des 20% des ménages les plus riches augmente de 1%, le PIB devrait diminuer de 0,08 point dans les 5 ans qui viennent »[2]. Les inégalités sont les ennemis de la reprise et du bien-être commun.
Au pouvoir, les socialistes ont pris cet argument au sérieux : nous avons privilégié la réduction des inégalités. Notre politique a permis l’augmentation plus importante et plus rapide du niveau de vie des ménages les plus pauvres. Les inégalités se sont réduites : l’évolution de l’indice de Gini passé à 0,285 contre 0,287 initialement[3] le démontre.
Aujourd’hui, les perspectives de reprise sont prometteuses : le taux de croissance sera de 1,6% fin 2017 alors que la croissance était quasi-nulle en 2012 (+0,2%) ; l’autre bonne nouvelle est que l’INSEE prévoit la création de 220 000 emplois en 2017.
Ces prévisions encourageantes ne sont pas apparues comme par magie avec l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir : ils sont le résultat de la politique menée sous le gouvernement précédent.
En partant de cette réalité, deux questions s’imposent. Les réformes du gouvernement Philippe ne vont-elles pas remettre en cause le dispositif favorable instauré par le précédent gouvernement socialiste ?
Ne vaudrait-il pas mieux « redresser notre pays dans l’équité», plutôt que de profiter de la torpeur estivale pour annoncer rapidement et sans un véritable débat une série de réformes explosives dont les effets ne sont guères escomptés ?
Poser ces questions, c’est y répondre.
[1] http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2017/pbrief19.pdf
[2] http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/06/15/les-inegalites-de-revenus-nuisent-a-la-croissance_4654546_3234.html
[3] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2492179?sommaire=2492313
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Source: Actualités du PS

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