Yvon Gattaz, ancien président du CNPF (l’ancêtre du Medef) m’a adressé un courrier suite à la publication dans la presse régionale de mon article « Chômage : l’échec des recettes libérales ».Outre la politesse d’usage qui consiste à écrire avoir lu mon article avec beaucoup d’intérêt, Yvon Gattaz me demande de publier un « court rectificatif », ajoutant que cela démontrerait mon « honnêteté intellectuelle ».
Que dit Yvon Gattaz ?
Yvon Gattaz conteste que la suppression de l’autorisation administrative de licenciement n’ait pas créé d’emplois. A l’appui de sa démonstration, il joint une note datée 28 février 2014 intitulée « La création d’emplois par la flexibilité enfin prouvée » (ça ne s’invente pas) signée… Yvon Gattaz. Dans celle-ci l’ancien président du CNPF reconnaît que l’objectif initial de création de 471 000 emplois ne pouvait pas être tenu puisque le gouvernement n’avait pas mis en place toutes ses préconisations (ENCA) mais il affirme que la seule suppression par le gouvernement Chirac de l’autorisation administrative de licenciement aurait permis de créer ou sauver 300 000 emplois. Yvon Gattaz joint un tableau du nombre d’emplois salariés dans les secteurs marchands non agricoles démontrant une baisse régulière du nombre d’emploi de fin 1982 à fin juin 1986 puis une hausse du 01 juillet 1986 (date du vote de la loi) à fin 1987.
Pourtant, dans le même temps, le chômage augmente
Ce qu’Yvon Gattaz ne dit pas, c’est que si, en effet, le nombre d’emplois salariés augmente pendant cette période, le chômage également. Ainsi fin 1985, le nombre de chômeurs était de 2 299 000 soit 9,3 % de la population active, pour atteindre 2 213 000 à la fin du deuxième trimestre 1986, soit 8,9% (donc une baisse avant le vote de la loi) pour remonter à 2 220 000 au troisième trimestre 1986 (après le vote de la loi) et atteindre 2 257 000 (9,1%) à fin 1987, date prise en référence par Yvon Gattaz. Source Insee (comptage au sens du Bureau international du Travail).
En guise d’explications
La première erreur d’Yvon Gattaz est de tracer une projection infinie de la tendance 1982-1986, comme si de façon naturelle, les conditions économiques se poursuivraient selon une même logique. Il attribue ainsi au vote de la loi l’idée (tout à fait hypothétique) que 246 000 emplois auraient été sauvés. En conséquence, entre début juillet 1986 et fin 1987 ce ne serait donc que 129 000 emplois supplémentaires qui auraient été créés. Pourtant, comme démontré supra, le chômage a, dans le même temps progressé. Car ce qu’oublie Yvon Gattaz, c’est la corrélation entre le PIB et l’emploi comme le démontre, chiffres à l’appui l’économiste Michel Husson (note Hussonet, « Trente ans après, le bluff du patronat continue »).
Il est donc présomptueux pour le patronat de prétendre que la suppression de « contraintes administratives » (selon leur terminologie) aurait permis, à elle seule, de créer des emplois. Même Etienne Pinte, député UMP, avoue “Parmi les entraves à la compétitivité, vous évoquez les contraintes administratives. Ayant été le rapporteur des deux lois sur la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, je me dois de rappeler que ces textes n’ont donné lieu à aucune création d’emploi alors qu’ils étaient censés en entraîner 450 000. Il y a eu, tout au plus, un maintien de l’emploi“ (cité par Michel Abhervé pour Alternatives Economiques, « La suppression de l’autorisation administrative de licenciement n’a créé aucun emploi »).
Honnêteté intellectuelle
C’est donc avec l’honnêteté intellectuelle que me prête Yvon Gattaz que je vais poursuivre dans le sens des propos que j’évoquais dans l’article publié par Paris Normandie. Je notais en effet qu’à contrario des recettes libérales, la mesure progressiste, quoique imparfaite, des 35 heures avait permis de créer des emplois. La première loi Aubry date de 1998 et la seconde de 2000. Or, non seulement le chômage baisse pendant cette période (l’insee recense 2 700 000 chômeurs en juin 1998 et 2 048 000 fin 2001), mais le nombre d’emplois salariés augmente de façon conséquente comme le prouve le graphique ci-dessous (Extrait de Regards.fr, Michel Husson, « Créations d’emplois : les comptes fabuleux du Medef ». Tableau : DARES).Si cette mise au point permet à chacun de prendre conscience qu’aucune recette libérale n’a permis de créer des emplois et de faire baisser le chômage, ce sera oeuvre utile, même si Yvon Gattaz ou son fils Pierre ne sont guère convaincus par cette argumentation. Je n’en serais pas pour autant vexé.

Source: Actualités Parti de Gauche

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