Eric Woerth : « Face à la crise, non au simplisme »

Député LR, président de la commission des Finances à l’Assemblée nationale, Eric Woerth regrette que la « crise [soit] devenue un accélérateur de solutions magiques » et assure qu’il faudra au contraire du temps pour surmonter cette situation. Cela passe selon lui par un augmentation du temps de travail et une réduction de la dépense publique.
L’hiver du Covid n’empêche pas la floraison d’idées en tout genre. Elles ont toutes en commun la facilité : la crise est devenue un accélérateur de solutions magiques. Il y a ceux qui souhaitent réduire le temps de travail pour créer plus d’emplois, ceux qui appellent à la création d’un revenu universel, ceux qui voudraient augmenter les salaires en supprimant les cotisations sociales salariales, ceux qui pensent que les comités de citoyens peuvent remplacer les élus et ceux, nombreux, qui appellent au non remboursement de la dette publique. Mais les spécialistes en « portes ouvertes » font rarement de bons architectes…
Toutes ces idées lumineuses et séduisantes présentées à chaque fois comme la pierre philosophale, poursuivent le même objectif : accrocher facilement et rapidement l’attention des citoyens. Qui n’aurait pas envie de dessiner un monde meilleur ? Un monde avec des salaires augmentés, moins de jours travaillés, le fardeau de la dette effacé comme la craie sur un tableau… Si ces idées sont à l’image des sirènes d’Ulysse, elles sont surtout dangereuses. En réalité, dire aux Français ce qu’ils ont envie d’entendre, c’est les tromper cyniquement.
Aujourd’hui, la responsabilité des hommes et des femmes politiques n’est pas tant de trouver la mesure miracle qui emportera dans l’instant l’adhésion des Français mais d’abord de redonner du sens à l’action publique. Le sérieux de la crise appelle le sérieux de la réponse.
Si nous voulons sortir grandis de cette crise, produire mieux, être en capacité de renouer avec une croissance durable, briser la spirale du chômage de masse, renforcer la justice sociale et l’unité de notre nation, bref rendre les Français collectivement plus heureux, sortons des impasses et des chemins détournés.
Trois principes simples et forts devraient être des guides utiles pour l’action : produire mieux, être en capacité de choisir son avenir et préserver les biens communs.
D’abord produire plus, mieux et autrement. La bataille de la production notamment industrielle est en fait celle du pouvoir d’achat et du mieux-être social. La réduction des inégalités sociales et le partage des revenus dépendent directement de la création de richesses. Si l’on veut rémunérer le travail non plus seulement en fonction de la valeur ajoutée mais aussi de « l’utilité » sociale, il faut d’abord produire. Enfin, le défi du désendettement post-Covid passe par l’augmentation de la production.
Bien produire, c’est avant tout bien travailler! Nous ne sommes pas condamnés à perpétuité au chômage de masse. C’est en misant sur les qualifications, des formations adaptées et en mettant un terme au débat lancinant sur le temps de travail hebdomadaire que nous y parviendrons. Selon l’OCDE, avec une moyenne de 630 heures par personne, la France est le pays où la quantité de travail rapportée à la population est la plus faible. Le nombre d’heures travaillées en France par habitant est ainsi de 15% inférieur à l’Allemagne et de 30% par rapport à l’Angleterre. Au final, cela représente une différence de 4 points de PIB avant la crise avec nos voisins allemands ! Si nous parvenions seulement à réduire cet écart de moitié, nous gagnerions en compétitivité et en pouvoir d’achat. Pour y parvenir, il faut permettre aux jeunes de rentrer plus tôt sur le marché du travail, faire baisser le coût du travail, améliorer le niveau de compétence des actifs et permettre au séniors de travailler plus longtemps. Pour gagner en indépendance économique, il faut relocaliser les activités stratégiques quel qu’en soit le prix et localiser les activités nouvelles à forte valeur ajoutée sur notre territoire.
La liberté, c’est être en capacité de choisir personnellement et collectivement son destin. La souveraineté d’une Nation ne se résume pas à une vision étriquée. Le souverainisme est à la souveraineté ce que le protectionnisme est à la protection, une version dégradée de ce qu’il prétend être. « Penser petit » et « penser fermé » n’est pas français ! Les hommes ont des frontières et ils doivent les protéger, l’humanité, elle, n’en a pas. C’est le rôle de la France de ne pas oublier cela. Sans naïveté vis-à-vis de la mondialisation, nous pouvons bâtir une souveraineté commerciale, industrielle, financière, juridique, alimentaire et technologique qui soit courageuse et raisonnée. Face à une Amérique renouvelée et à la puissance chinoise, l’Europe est plus que jamais concernée. A nous de faire de l’union européenne une grande puissance mondiale qui impose ses conditions.
Chacun doit pouvoir choisir son propre destin. La liberté de se réaliser doit être une priorité. Mise aux oubliettes, la notion d’égalité des chances a été délaissée pendant trop longtemps par la droite alors même qu’elle devrait être au cœur du pacte national. Selon l’OCDE, il faut désormais six générations ou 180 années pour que quelqu’un né dans une famille française appartenant aux 10% les plus défavorisées atteigne le revenu moyen ! Si malgré l’accumulation des dépenses publiques, les objectifs n’ont pas été atteints, c’est qu’il faut faire autrement.
La colère des gilets jaunes a montré qu’il fallait rapprocher la décision des citoyens, la crise sanitaire a, elle, abouti à la solution contraire… Choisir en démocratie, c’est être partie prenante des décisions publiques. La démocratie n’est pas un laboratoire pour comités de citoyens ! Rien ne remplacera l’élection !
L’égalité des territoires est une notion clef. La crise a prouvé à quel point la ruralité a une carte à jouer au même titre que les métropoles. Le trop « plein » perd de la valeur et du sens et le trop « vide » en acquiert ! Le « vide » est toujours plein de ressources à partir du moment où il est connecté et tant que l’accès aux services publics est assuré. Voilà le tiercé gagnant : décentraliser, déconcentrer et responsabiliser !
Préserver, c’est protéger durablement en sachant adapter nos modèles : préserver notre sécurité, notre unité et les biens communs au premier titre desquels l’environnement. Il s’agit de l’exercice de nos libertés. La sécurité est affaire d’autorité. Quand la main du dirigeant tremble, c’est tout l’édifice institutionnel qui tremble. Les demi-mesures n’ont pas leur place. Comme pour l’économie, la sécurité est une chaîne : environnement social, police, justice, réinsertion. Il ne peut pas y avoir de maillon faible. Cela demande de la clairvoyance, du courage dans les moyens et une mise en responsabilité des acteurs principaux.
L’intégrité de la Nation en dépend. Les replis sur soi, les communautarismes ont la peur comme fondement. Il n’y a qu’une seule France. L’instabilité sociale, les écarts excessifs de revenus, l’arrogance des « sachants », l’intégrisme islamique et bien d’autres nuages noirs dissolvent la Nation.
Nous sommes « forts » en diagnostics mais « faibles » en solutions. Pourquoi sait-on trouver tant d’argent pour soutenir l’économie et si peu pour sauver l’unité du pays ? Parce qu’on se réfugie dans le compromis, la lenteur et la complexité.
La préservation de la nature et la lutte pour le climat sont parties intégrantes de chaque décision mais pour faire consensus, elles doivent ne laisser personne au bord du chemin. Il faut que la transition sociale accompagne la transition écologique en France évidemment, et surtout dans le monde. Les pays « riches » doivent accepter cette responsabilité.
Enfin, la souveraineté financière de la France n’est pas négociable. Le ratio dette/PIB, la charge de la dette, le niveau de déficit annuel sont des sujets majeurs qui ne doivent souffrir d’aucun bricolage ni fausse solution. La « comptabilité » n’a rien avoir là-dedans ! Voulons-nous tirer sans cesse des chèques en blanc sur l’avenir ? Seule notre capacité à réduire durablement la dépense et à augmenter notre production de valeurs sont des réponses sérieuses qui n’ont jamais été essayées.
Nous n’avons plus le temps de nous fourvoyer. Il n’y a aucune austérité, aucune larme ou sueur à revendiquer une action solide et sérieuse. La vie est une merveilleuse aventure. La France est une grande nation. Les Français sont un grand peuple qui, de moins en moins, croit à la parole politique. La confiance ne s’achète pas, elle se mérite.
Il n’y aura pas de solution miracle surtout court-termiste. Seul un faisceau de réformes conduites en profondeur et collectivement partagées permettra à notre pays de se relever de cette crise.
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Source: Actualités LR

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