Eric Woerth : « L’idée qu’on peut annuler la dette est fausse et dangereuse »

Pour le président LR de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui fut ministre du budget durant la crise de 2008-2009, il faut rembourser la dette. Il s’oppose aux arguments d’une partie de sa famille politique, et plaide de nouvelles règles budgétaires européennes.
La crise sanitaire a fait exploser la dette publique française. Dans un monde de taux d’intérêt bas voire négatifs, est-ce vraiment un problème ?
Nous ne pouvions pas faire autrement, puisque nous n’avions pas assez d’argent pour financer les mesures de soutien et de relance de l’économie. C’est d’ailleurs là le sujet : nous avons abordé la crise avec un endettement parmi les plus élevés des pays de l’OCDE. Cela peut-il durer ? Non.
Je suis d’accord qu’exprimer la dette en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) n’a plus guère de sens : 120 % de dette, c’est important mais ce qui compte, c’est la charge d’intérêt, qui a fortement baissé. Aujourd’hui, elle est supportable. Mais est-ce durable ? Probablement pas. Il en va de la souveraineté financière de la France : certains pays ont été mis sous tutelle pour ne pas avoir été capables de rembourser leur dette. La dette provient d’un déficit annuel chronique installé bien avant la crise du Covid. Il faut se préparer aux prochaines crises, qui seront peut-être plus puissantes que celle-ci.
Vous ne souscrivez pas à l’idée, de plus en plus répandue, y compris au sein de votre parti, d’annulation de la dette ?
Attention aux opinions simplistes. Pour moi, l’idée qu’on peut annuler la dette est fausse et même dangereuse. Une dette, ça se rembourse. Les pays qui ont fait défaut ont payé un prix gigantesque : les épargnants ont été ruinés, les retraites ne sont plus versées. Et puis, imagineriez-vous décider d’annuler le remboursement de votre prêt immobilier ?
Mais un Etat n’est pas un ménage, il peut se refinancer sur les marchés…
C’est exact, une dette « se roule », c’est-à-dire que l’Etat réemprunte régulièrement pour la rembourser. Mais la dette n’est pas virtuelle, elle appartient à quelqu’un. En l’occurrence, nous avons un rendez-vous avec les marchés et ceux qui nous prêtent, et celui-ci repose sur la confiance. Quant à la Banque centrale européenne (BCE), qui détient aussi une partie de notre dette, elle est la garante de l’inflation et de notre monnaie. Si on dégrade le bilan de la BCE, cela pèsera sur les Français : c’est la crédibilité de l’euro qui est menacée et les investisseurs se tourneront vers le dollar, le renminbi ou les monnaies privées… Ce n’est pas rassurant !
Quid de cantonner la dette Covid, comme le suggère le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ou de la transformer en dette perpétuelle ?
Une dette perpétuelle n’a aucun sens, vous ne trouverez pas grand monde pour l’acheter si ce n’est à un prix exorbitant. Ce ne serait pas crédible. Quant au cantonnement, si ce n’est qu’un jeu d’écriture, je ne vois pas l’intérêt. Et si c’est pour rembourser, il faudrait y affecter une ressource ou créer un nouvel impôt, ce qui est contraire aux promesses du gouvernement.
Certains économistes soutiennent que s’endetter pour investir, ce n’est pas un fardeau pour les générations futures, au contraire…
Evidemment, l’investissement doit être financé par l’endettement car il y a des conséquences sur le long terme. Mais aujourd’hui, la dette française est constituée à 80 % de dépenses de fonctionnement (salaire des fonctionnaires, fonctionnement de l’Etat, prestations sociales…) ! C’est donc bien vivre aux crochets des générations futures.
Je ne pense pas que l’instauration d’une « règle d’or » budgétaire pour fixer un horizon d’équilibre des comptes [comme le suggère Guillaume Peltier, vice-président délégué de LR] soit nécessaire, ce ne serait qu’une procédure de plus. Il faut en revanche réguler la dépense publique, et ce n’est pas de l’austérité. La France en est loin ! En revanche, faire en sorte que nous ayons les marges de manœuvre nécessaires pour notre avenir est un débat important sur l’indépendance de notre pays, qu’il convient d’avoir.
Un débat qui monte aussi dans les pays voisins… Faut-il revoir les règles budgétaires européennes ?
Dans cette crise, la BCE a joué son rôle de filet de sécurité. Mais Maastricht est mort. Les Allemands redescendront peut-être sous les 60 % de PIB de dette et les 3 % de déficit mais pas nous, qui en étions déjà loin avant la crise. Or rien n’est pire pour une démocratie que de vivre avec des lois qui ne sont pas appliquées.
Je plaide pour adapter les critères et les remplacer par d’autres, partagés par nos partenaires européens, comme par exemple des objectifs de croissance et de chômage. L’Europe a besoin de fondamentaux économiques puissants.
>> Lire l’interview sur LeMonde.fr
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Source: Actualités LR

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