Philippe Juvin: « La décision d’Emmanuel Macron était inéluctable »

Philippe Juvin, maire de La Garenne-Colombes et membre du conseil stratégique de notre mouvement, juge que le couvre-feu est hélas nécessaire, même s’il est aussi l’aveu d’un grave échec des pouvoirs publics depuis le déconfinement.
Sommes-nous à proprement parler dans une « seconde vague » de l’épidémie ?
Oui, car il y a une augmentation rapide et inquiétante du nombre de cas, qui n’est pas exponentielle comme au mois de mars, mais régulière et constante. Sauf que les personnes qui s’infectent aujourd’hui sont susceptibles de faire des formes graves dans deux à quatre semaines, et d’occuper alors les services de réanimation. Il faut donc anticiper, malgré l’incertitude. Nos services de réanimation sont remplis à hauteur de 30% à 40% selon les endroits: la grande différence avec le printemps, c’est que cette fois nous devons continuer à soigner tout le monde, plutôt que de consacrer 100% de nos lits au Covid-19. Il faut donc bien comprendre que le taux de remplissage des services de réanimation devient réellement préoccupant, même s’ils ne sont pas encore saturés.
Le couvre-feu décrété par le président de la République vous paraît donc nécessaire ?
Oui, malheureusement. Le président de la République a bien fait de prendre cette décision difficile et je l’applaudis. Ceux qui pensent que l’on pourrait s’en sortir sans le respecter font des paris. Gouverner, ce n’est pas parier.
N’aurait-il pas suffi d’interdire les rassemblements et les fêtes privées, plutôt que toutes les activités du soir ?
Nous n’avons pas le droit de prendre des risques, car toute erreur aujourd’hui peut se payer très cher dans quelques semaines, si nous nous retrouvons dans une situation où l’on ne peut plus soigner tout le monde. J’ai moi-même longtemps défendu la réouverture des restaurants et des salles de spectacle, mais quand nous avions encore des marges de manœuvre. Mais, depuis, la vague a continué à monter et nous n’en n’avons plus.
Pourtant, nous nous étions préparés au risque d’une seconde vague ?
Non. L’ensemble du déconfinement a été un échec. Nous ne pouvions savoir avec certitude qu’il y aurait une seconde vague, mais il fallait en tout état de cause nous tenir prêts dans le cas où elle surviendrait. Or nous avons toujours un train de retard sur le virus. Il a fallu plusieurs longues semaines pour faire accepter le port du masque. La politique de tests a été chaotique ; la politique d’isolement des malades a été inexistante. Souvenez-vous: on parlait de réquisitionner des hôtels, cela n’a pas été fait. La politique de « tracing », avec l’application StopCovid n’a pas fonctionné. Quant aux lits de réanimation, nous en avions 5000 au mois de mars, nous en avons toujours 5 000. Certes nous pouvons ouvrir des lits supplémentaires, mais en sacrifiant des lits d’hospitalisation classiques. Et puis, ouvrir des lits, c’est une chose, mais encore faut-il pour cela que nous ayons du matériel et du personnel. Or les 10.000 respirateurs commandés par le président de la République semblent quasiment tous conçus pour le transport des malades, très peu seulement pour la ventilation de longue durée. Et le personnel, nous en avons eu en mars grâce à la réserve sanitaire nationale, qui a fonctionné parce que certains professionnels n’étaient pas occupés dans leur région, or ce ne sera pas le cas cette fois. On nous rétorque que former du personnel supplémentaire ne se fait pas en six mois. En temps normal, c’est vrai. Mais à situation extraordinaire, solutions extraordinaires. Il aurait fallu recenser tous les professionnels aptes à faire de la réanimation au niveau européen, en créant une réserve sanitaire européenne, ou former rapidement des auxiliaires de santé pour libérer les soignants d’un maximum de tâches peu qualifiées. Quand c’est la guerre, il faut réfléchir différemment et faire preuve d’agilité!
Nous avons une administration de temps de paix qui n’a su ni préparer ni faire la guerre. Depuis des années, je mettais en garde contre un craquement du système de santé face à un événement majeur. Nous y sommes, avec toutes ses conséquences sanitaires mais aussi économiques, sociales, scolaires, culturelles. Aujourd’hui, malheureusement, la seule stratégie nationale qui est mise en place pèse uniquement sur les Français, à qui l’on demande de respecter le couvre-feu et le port du masque. Les autorités n’ont pas pris leur part en préparant la seconde vague. Je regrette qu’on en soit arrivé là, mais il est désormais nécessaire de s’y conformer car nous n’avons plus d’autre choix.
La question qui se pose à l’avenir est donc celle-ci: quand allons-nous enfin nous payer une assurance-vie nationale, en créant des moyens sanitaires à la hauteur des risques de cette ampleur, et qui ne sont pas qu’épidémiques ? Depuis cinquante ans, nous avons investi massivement dans une force de dissuasion nucléaire qui nous garantit la paix. Il faut aujourd’hui faire le même effort en matière de santé, pour être certain qu’à l’avenir aucune épidémie ne mettra jamais notre pays à l’arrêt comme ce fut le cas. Je m’étonne que le plan de relance n’en tienne pas suffisamment compte. On manque à la fois de moyens (avec un milliard de PIB de plus que nous, les Allemands dépensent plus pour la santé par habitant que nous). Et nous gérons mal: l’argent ne va pas aux soins. Je rappelle cette donnée brute: dans les hôpitaux publics français, il y a autant d’équivalents temps pleins administratifs que d’équivalents temps pleins de médecins. L’hyper-administration nous désorganise et nous ruine.
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Source: Actualités LR

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