PROPOSITION DE LOI visant à interdire de prélever davantage dans une nappe d’eau davantage que ce qu’elle peut reconstituer naturellement

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire de prélever dans un aquifère davantage que ce qu’il peut reconstituer naturellement

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Les aquifères sont une richesse
des territoires. En particulier les nappes d’eau profondes, qui vont constituer
des réserves d’eau cruciales, en vue du dérèglement climatique qui a commencé.
Tout comme les rivières ou autres sources d’eau, elles permettent aux populations
de s’approvisionner en eau potable. L’eau est indispensable à la vie. Aucune
personne ne peut survivre plus de trois jours sans boire. L’eau est donc un
bien commun précieux. L’eau est d’autant plus précieuse qu’elle devient parfois
rare. Et convoitée. L’article L210-1 du Code de l’environnement garantit en
conséquence que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa
protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable,
dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général ».

Cet article du
code de l’environnement vise à veiller notamment au respect des équilibres
naturels, afin que la ressource en eau soit pérenne.

Malgré cela, il
existe des cas où la pérennité de l’alimentation en eau courante des populations
est menacée. Le cas le plus marquant est sans doute la nappe profonde des Grès Trias
Inférieurs (GTI) dans les Vosges. Les habitant·e·s de la commune de Vittel ainsi
que des communes environnantes sont alimentés en eau courante grâce à cette
nappe. Mais ils sont « en concurrence » avec Nestlé Waters, qui y
puise de l’eau pour la mettre en bouteille, commercialisée sous les marques
Vittel Bonne Source, mais aussi Vittel Grande Source, Contrex ou encore Hépar. Les
populations risquent prochainement de manquer d’eau à cause de ces prélèvements
industriels trop importants. Et contrairement à la pollution ou à l’assèchement
des rivières, cet épuisement est invisible, il attire donc moins l’attention
des médias et des politiques.

L’eau est embouteillée
dans du plastique, puis exportée à des centaines voire des milliers de
kilomètres, chez nos voisins d’Allemagne où l’eau du robinet est pourtant
d’excellente qualité, ou jusqu’au lointain Japon. À l’accaparement privé d’un
bien commun, s’ajoute le scandale écologique de l’accumulation de bouteilles en
plastiques, produit peu recyclable, générant des quantités immenses de déchets
qui polluent les eaux, les sols, les océans. Sans compter la pollution
engendrée par l’acheminement des bouteilles.

Depuis 30 ans,
la surexploitation outrancière de Nestlé Waters entraîne un déficit de la nappe
des GTI. Son niveau s’affaisse rapidement : il baisse de 30 centimètres
par an, de l’ordre de 1,3 milliard de litres, et a déjà perdu dix mètres. Les
prélèvements de Nestlé Waters représentent plus de 80 % du déficit de la
nappe selon l’ONG Vosges Nature Environnement. Quelle ironie pour l’entreprise
au slogan « Puiser sans épuiser » ! La marchandisation de l’eau
minérale est particulièrement nuisible à l’équilibre de la nappe des GTI. Pourtant,
la nappe des GTI serait « le plus grand réservoir d’eau souterraine »
de toute de la région Lorraine, mais qui, pour des raisons géologiques est dit
« captif » à Vittel-Contrex, selon le Bureau de Recherches Géologiques
et Minières (BRGM).

Pire, alors que
la nappe menace de s’épuiser, on envisage que la commune de Vittel et les
communes aux alentours puissent importer de l’eau de plus loin. En effet, la
Commission Locale de l’Eau (CLE) préconise de construire un aqueduc pour aller
chercher de l’eau jusqu’à 50 km de distance. Cette solution est retenue
par la CLE alors qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée et que l’on sait
déjà que le « territoire donneur » ne sera pas en mesure de fournir
toute l’eau demandée, en particulier en été. Plus cynique encore, on apprend
que ce sera aux habitant·e·s de payer pour ces travaux, par l’intermédiaire de leur
facture d’eau, ce qui coûterait entre 15 et 30 millions d’euros sur vingt
ans aux usager·e·s. Nestlé se serait engagé, oralement, à participer aux
financements.

Pourtant, des
solutions alternatives existent, mais qui, toutes, doivent passer par une
baisse des prélèvements d’eau par l’entreprise.

Le patrimoine
commun de la nation est donc tellement accaparé par le privé que l’équilibre de
la nappe est menacé. À titre d’exemple mais qui concerne une nappe plus
superficielle à Vittel, également exploitée par Nestlé pour ses autres marques
(comme Hépar par exemple), l’importation d’eau a d’ores et déjà commencé et les
maires de deux communes ont fait venir des camions-citernes pour approvisionner
les habitant·e·s. Nestlé a fourni gracieusement une bouteille par habitant·e et
par jour de sécheresse ! L’usage domestique des personnes physiques
devient secondaire. Et ce serait à elles de financer l’acheminement l’eau
jusque dans leurs communes.

Cela a
également des conséquences économiques, puisque AGRIVAIR, filiale de
Nestlé, a accaparé la majorité des terres agricoles et les met à disposition de
cultivateurs contre l’engagement de respecter un cahier des charges limitant
les pollutions. Cela protège l’eau à laquelle les habitant·e·s… n’ont pas ou
n’auront plus d’accès demain ! Des paysan·ne·s, installé·e·s sur des
terres AGRIVAIR, ont l’interdiction d’accéder aux anciens puits (bouchés) de la
propriété et doivent ainsi chercher de l’eau dans les fontaines publiques des
villages avoisinants, chaque jour, pour leurs troupeaux. Ce qui représente,
selon la saison, un temps de travail de 2 à 4 heures par jour. Tout cela pour
préserver les prélèvements de Nestlé ! Prépare-t-on l’exode des
populations ?

La géologie
particulière du secteur a, comme beaucoup d’autres, pour conséquence naturelle
une reconstitution très lente et difficile. Les durées de renouvellement des
nappes sont presque imprévisibles, car elles dépendent de trop de facteurs
(météo, localisation, composition de l’aquifère). Lorsque les prélèvements sont
supérieurs à la recharge, cela entraîne une baisse du niveau de l’eau, voire un
assèchement. Dans un contexte où l’on sait que près de 64 % des aquifères
françaises se trouvaient à un niveau inférieur à la normale au 1er janvier
2018, ces prélèvements importants, conjugués à une roche spécifique, sont
parfaitement irresponsables.

D’autre part,
la fabrication des millions de bouteilles d’eau fabriquées grâce à la nappe des
GTI est une activité industrielle dont dépendent 250 emplois. Nestlé
Waters refuse de baisser ses prélèvements au nom de la sauvegarde de l’emploi.
Chantage absurde, quand on sait que l’automatisation massive des procès de
production a déjà permis à Nestlé de supprimer de nombreux emplois, et que cette
baisse est tendancielle. Lorsque le dessèchement complet arrivera, alors ces
emplois disparaîtront. D’ici là, Nestlé Waters, qui ne semble pas voir la
catastrophe arriver, réclame de surcroît une augmentation de ses prélèvements
afin de pouvoir exporter plus loin dans le monde. Ses affaires sont rentables. Pour
ces raisons et malgré des autorisations de prélèvements limitées, mais sans
rapport avec les capacités de régénération de la nappe, les entreprises n’hésitent
pas à faire pression sur les collectivités.

Autre point à
prendre en compte : le Conseil Economique, Social et Environnemental
régional du Grand Est révèle un autre facteur d’irresponsabilité, selon
eux : « en raison du pompage industriel, la qualité de l’eau s’est
dégradée ». En effet, 31 % des nappes n’atteignent plus la norme de
qualité nécessaire pour l’eau potable !

La situation générale
des aquifères a des causes multiples. Parmi elles, les pompages des industries
comme à Vittel. Mais pas seulement : l’agriculture productiviste et chimique
porte également une lourde part de responsabilité dans la situation déplorable
des eaux. La monoculture d’espèces peu adaptées au climat conduit à une surexploitation
des eaux pour l’irrigation.

Ailleurs, l’utilisation
de grandes quantités de pesticides pollue les eaux de ruissellement et donc les
rivières. 1/3 des aquifères en France sont contaminées par des substances
chimiques dues à l’agriculture intensive.

En conséquence,
40 % seulement des eaux superficielles sont en « bon » ou « très
bon » état écologique et seuls 38 % de ces eaux sont en « bon »
ou « très bon » état chimique. Autrement dit, plus de la moitié des
eaux de surface européennes sont de mauvaise qualité. Sur 15 % du
territoire français, les taux de nitrate dépassent 25 mg/l, c’est-à-dire
le niveau au-delà duquel il devient difficile de rendre l’eau potable.

Dans les eaux
de sous-sol, la référence européenne est dépassée dans 43 % du territoire.
Au lieu de décroître, l’utilisation des pesticides est en augmentation. Selon
une étude de l’UFC-Que choisir, les traitements pour produire de l’eau potable
coûtent de plus en plus cher de 2015, les consommateurs·trices versent aux
agences de l’eau 88 % de la redevance pollution, et les industriels 5 %,
au lieu de 10 % dix ans plus tôt, et les agriculteurs 7 %. Ce
sont loin d’être les pollueurs qui paient. Et la priorité est loin d’être à
l’usage des personnes.

L’usage des
populations, et l’organisation de la captation et de l’acheminement de l’eau
courante sont aussi en cause dans la baisse des niveaux des aquifères : le
sous-investissement conduit à des pertes importantes d’eau potabilisée lors de
l’acheminement, du fait des réseaux mal entretenus par les entreprises de l’eau
ou les régies. Il persiste d’importants gaspillages et utilisations excessives,
que cela provienne des entreprises ou des particuliers.

Pire, la
situation ne va pas aller en s’améliorant avec le dérèglement climatique
qui commence déjà à accentuer l’évapotranspiration accrue, l’assèchement des
sols, et les conditions défavorables aux infiltrations d’eau en profondeur. Le
BRGM prévoit une baisse de 10 à 25 % de l’alimentation des aquifères à
l’horizon 2045-2065. Dans certaines zones du littoral, le niveau des eaux
souterraines pourrait même diminuer de moitié ; dans plusieurs régions du
Sud, les épisodes de sécheresse se multiplieront. Parallèlement, l’augmentation
globale des températures va entraîner une hausse de la demande en eau potable
et en eau d’irrigation.

Comment
pourrons-nous approvisionner la population si notre bien le plus primaire a
pratiquement disparu ? Les certaines multinationales de l’eau prévoient de
réalimenter les aquifères, par la réinjection des eaux assainies. Ces
multinationales affirment qu’elles possèdent les technologies pour traiter de
façon satisfaisante toute pollution, moyennant profits, bien sûr. Mais une
telle option n’est pas une solution au problème fondamental : l’accaparement
et la commercialisation à profit privé d’une ressource commune. La solution ne
peut passer par l’artificialisation des cycles naturels, sans vraiment en connaître
les conséquences, pour pouvoir continuer à exploiter.

Le problème est
que les niveaux d’eau dans de nombreuses aquifères sont en baisse. Nous utilisons
nos ressources en eau trop vite ; bien plus vite que leur taux de
renouvellement.

Si cela
continue, ce bien commun sera tari, à force d’être surexploité au lieu d’être
protégé pour rester accessible aux habitant·e·s, à qui il revient de droit. Il
faut donc mettre en place des règles de priorité pour que les habitant·e·s
aient accès à l’eau, avant les organisations qui polluent et concourent à la
raréfaction de la ressource. Par ailleurs, une telle décision permettra de
préserver la ressource pour faire face au dérèglement climatique. En évitant la
pénurie, il faut impérativement mettre en place un usage raisonné de la
ressource en eau. Cette proposition de loi vise donc également à protéger les
générations futures et à leur assurer des ressources en eau durablement.

Il est donc
temps d’arrêter la surexploitation des aquifères et protéger à fois les nappes
naturelles et la priorité de cette eau aux populations locales. Des actions
similaires ont déjà été menées dans le monde : aux États-Unis, l’État du
Maine, où l’eau est abondante, a une législation permettant à tous d’y pomper
de l’eau. Mais cet État a aussi de nombreuses réserves naturelles. Lorsque Nestlé a tenté d’installer des puits de pompage dans une
réserve naturelle dont les terrains appartiennent aux villes de Shapleigh
et Newfield, celles-ci ont fait de l’eau un bien public. Elles se sont appuyées
sur le droit des communes à s’autodéterminer et ont publié un arrêté stipulant
que l’eau appartient à la nature et ne peut être utilisée que par les habitant·e·s.

La situation de
la nappe de Vittel n’est pas unique. Elle pourrait se multiplier. Toute marque
d’eau en bouteille ou de soda puise son eau dans un aquifère. Par exemple,
l’eau Cristaline,marque du groupe
Alma, anciennement détenue par groupe Castel, géant du vin et de la bière, est
puisée dans trente-deux sources différentes, en France et en Europe. Ces
prélèvements occasionnent également une compétition entre les usagers
domestiques et cette société dans le partage des sources.

Si on ne fait
rien, ces conflits sur les usages de l’eau vont se multiplier. En France, comme
ailleurs dans le monde. La bataille pour l’eau gagnera en intensité à mesure de
sa raréfaction. Cela sera en enjeu crucial pour la Paix. Il faut donc prendre
des mesures pour mettre une limite à l’accaparement des ressources naturelles,
afin de préserver la ressource, et la possibilité pour les populations
d’accéder à une eau potable.

L’article 1 précise
l’article L2010-1 du Code de l’environnement. Il décline la « règle
verte » sur le sujet particulier des aquifères.

L’article 2 précise les
modalités de l’autorisation d’exploitation des aquifères. Il énonce clairement
la priorité d’usage des personnes sur tout autre usage, afin d’empêcher une
compétition d’usage avec des industriels.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L210-1 du
Code de l’environnement est complété par l’alinéa suivant :

« Il ne
peut être prélevé dans un aquifère davantage que ce que les processus naturels peuvent
reconstituer. ».

Article 2

L’article L214-2
alinéa 1 du Code de l’environnement est ainsi modifié :

Après les mots « milieux
aquatiques. » sont ajoutés les mots suivants : « La
priorité dans l’usage de l’eau est donnée aux usages domestiques sur tout autre
usage. Ce décret ne peut autoriser l’exploitation d’une ressource en eau
si celle-ci est supérieure à la reconstitution naturelle de cette ressource ou
remet en cause l’approvisionnement en eau des bassins de vie dépendant de cette
ressource en eau. »
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Source: Actualités La France insoumise

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