« Il y a la place pour une opposition de gauche et responsable », interview au Monde

Demain vous mettez en place la direction collégiale. Quelle va être son architecture ?
Le Parti socialiste doit se réorganiser avant de se refonder et pour cela il doit construire une nouvelle gouvernance avec une direction provisoire de 14 membres sur une centaine de candidatures. Parmi ces membres, six rapporteurs, trois hommes et trois femmes. Il y aura aussi quelques membres de droits (présidents de groupe, Fédération nationale des élus socialistes et républicains ou autre porte-parole…). Donc c’est une direction extrêmement resserrée. La feuille de route sera élaborée dans l’été et présentée devant un séminaire des directions (parlementaires, Bureau national et Premiers fédéraux) dans le dernier week-end d’août.
Un congrès suivra ?
Cette feuille de route sera votée par les militants la deuxième semaine de septembre et à partir de là, la direction provisoire collégiale sera légitimée. Il est vraisemblable que la question du congrès soit réglée à cette occasion. Je préconise qu’il se tienne au mois de février 2018, ni trop tôt ni trop tard. Cela permettra de trancher les problèmes importants: d’abord la question politique, c’est-à-dire notre rapport avec le pouvoir d’une part et Jean-Luc Mélenchon de l’autre. Il faudra aussi se pencher sur la question européenne, ainsi que sur les questions organisationnelles parce que la forme partidaire est datée. Elle remonte à 1905 pour le PS et il faut vraisemblablement muter…
Parmi la direction collégiale, y aura-t-il des partisans de Benoît Hamon ?
C’était prévu jusqu’au moment où Benoît Hamon a décidé de quitter le Parti socialiste. Mais comme on est dans un moment incertain où quelques uns ont décidé de le suivre et d’autres pas, je préfère que cette question ne soit pas posée dans la direction.
Il ne peut pas y avoir de double appartenance au mouvement du 1er juillet ?
Ce sont les statuts du parti. Il faut être clair. Pas de double appartenance vis-à-vis de La République en marche, ni du mouvement du 1er juillet. 
Vous n’avez pas un sentiment de solitude après les départs de MM. Valls et Hamon ?
Il faut respecter les choix de chacun. Mais il faut clarifier.
Benoît Hamon dit qu’il n’a pas été soutenu par le PS pendant la campagne présidentielle et que c’est lui qui clarifie…
Ce n’est pas vrai. Le PS a apporté 12 millions d’euros à sa campagne. Ce n’est pas un soutien ça ? Et les 2039 parrainages c’est du sabotage ? Il est vrai que sa campagne a créé de l’abstentionnisme ou de l’hostilité, mais le PS, en tant que structure, a suivi. Par contre, je n’ai jamais vu un candidat à l’élection présidentielle refuser de venir devant le Bureau national avant et au lendemain de l’élection.
Je crois en outre que le double départ de Manuel Valls et de Benoît Hamon clôt le débat. Les deux dirigeants de la droite et de la gauche du parti ont décidé de ne plus être dans le PS. Ce qui donne, par cette clarification par le vide, une chance inattendue de ne pas être dépendant de leurs demandes.
L’avenir idéologique du PS, c’est ce qu’il y a entre Manuel Valls et Benoît Hamon ?
Je ne le présenterai pas comme cela ! Je dis que ça nous offre une opportunité de définir une ligne claire de ce que nous voulons être. La refondation idéologique est nécessaire. Cette question recouvre des aspects français mais aussi la grande crise du courant progressiste à l’échelle internationale. Regardez ce qui se passe aux Etats-Unis, en Espagne, en Italie et en Angleterre. Partout nous avons un débat entre les tenants du centre et ceux de la gauche. Entre l’adaptation et la résistance.
C’est toujours possible, quand on est socialiste, de discuter avec Jean-Luc Mélenchon ?

C’est de plus en plus difficile. Il m’a l’air de filer vers le gauchisme autoritaire et le populisme le plus échevelé.  Nous sommes en désaccord avec ce qu’il préconise sur  l’Europe et sur le plan économique. Mais le cœur de son dispositif, qui est la démocratie plébiscitaire, est pour nous une ligne de fracture majeure.
Est-ce plus envisageable de se tourner vers Emmanuel Macron ?
C’est aussi difficile. Mais entre l’opposition frontale de la France insoumise et la subordination totale à La République en marche, il y a la place pour une opposition de gauche et responsable. Emmanuel Macron a dit dans son discours au Congrès lundi que la France “n’était pas réformable”. Cela explique sa verticalité et son centralisme technocratique. C’est une erreur par rapport à la demande profonde du pays. Plus les décisions seront centralisées, tomberont d’en haut, plus on s’attaquera aux corps intermédiaires, plus le pays va se cabrer. L’hypercentralisation débouchera sur l’hypercontestation.
Ce “ni Macron ni Mélenchon”, n’est-ce pas aussi la ligne de Benoît Hamon ?
C’est pour cela qu’il ne fallait pas qu’il quitte le PS. A partir du moment où celui-ci reste une formation avec quatre présidents de région, des présidents de conseils départementaux, 1000 maires de villes de plus de 10 000 habitants et qu’aucun ne le suive… Son chemin, c’est une partie de la jeunesse et l’alliance avec Yannick Jadot et Cécile Duflot. Mais ça ne fait pas un Parti socialiste refondé, c’est un gros PSU [parti socialiste unifié]. Il est en train de refonder EELV.
Si les Verts sont en partie avec Hamon, que Mélenchon ne veut pas parler avec vous, avec qui le PS va s’allier ?
La gauche s’est majoritairement abstenue aux élections législatives. Mais il faut sortir de cela, c’est la vieille politique telle que nous l’avons connue au congrès d’Epinay, quand le champ politique était structuré par les partis dominants à gauche. Chacun contrôlait son petit espace politique et l’alliance de tous faisait une dynamique et la majorité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Diriez-vous que votre bilan à la tête du PS est globalement positif ?

Je ne vais pas dire cela, à partir du moment où le candidat du PS a fait 6,4 % des voix à la présidentielle…
Globalement négatif alors ?

Je ne dirais pas cela non plus. C’est un bilan entravé.
Entravé par quoi ?
Par l’état du pays à notre arrivée, par les pesanteurs de l’appareil, par la compétition pour la future présidentielle, par un individualisme qui a pris des proportions rarement vues dans le mouvement socialiste. Et puis les socialistes avaient tendance à se faire la leçon et à faire la leçon.
Vous parlez, sans les nommer de Manuel Valls et Benoît Hamon…
J’ai fait preuve de respect vis-à-vis des deux, parfois au-delà du nécessaire.
Mais ils sont à l’image de ce qu’il nous est collectivement arrivé : des démarches individualistes et des stratégies personnelles.
Vous ne citez pas le quinquennat de François Hollande comme une entrave…
Cela viendra. On fera le bilan en temps voulu. Il y a des éléments critiquables et je le dirai. Ils tiennent plus de la méthode que de la réalisation. Mais n’oublions pas que François Hollande a dû faire face au terrorisme, à des crises internationales. Il faut toujours être honnête si on veut faire de bons bilans.
ll y a  bien d’autres entraves comme le retard pris dans la reformulation des socialistes qui se sont endormis sur leurs lauriers puis se sont affaissés et divisés. En 2012, nous avions tous les pouvoirs. Cinq ans plus tard, nous n’en avons plus aucun. A un moment donné, il faudra se confronter à cette réalité.
Qu’allez vous faire dans les prochains mois ?
Je partirai en septembre après le vote des militants. Il faut laisser la place à une nouvelle génération. J’essaierai d’être un des sages du Parti socialiste, j’aiderai à la refondation. Je continuerai à peser dans la vie politique française. Je serai une voix des socialistes et ne refuserai rien de ce qu’il me sera présenté.  
Comment se porte financièrement le PS ? Vous allez vendre le siège ?
C’est une question qui se pose mais elle est plus politique que financière. On pourrait vendre des locaux de fédérations, nous avons un patrimoine très important. Mais la question que je poserai, c’est plutôt : « Peut-on penser que l’on peut construire le nouveau Parti socialiste à Solférino, dans le 7e arrondissement de Paris ? ». Symboliquement, je suis davantage pour quitter Solférino que de quitter le terme « socialiste ».
Justement, le PS doit-il changer de nom ?
Cela sera sur la table. J’ai tendance à penser : le problème est moins “socialiste” que “parti”.
Il y aura un plan social ?
Nous n’avons pas de dettes, on peut emprunter justement en gageant Solférino. S’il y a un plan social, il n’est pas annoncé pour l’instant. Le PS doit réorganiser son appareil permanent en investissant par exemple dans le numérique. Il vaut mieux des portails Internet dans chaque section que des locaux.
Donc il faut vendre les locaux pour faire des sites web ?
Je ne peux pas résumer ainsi, parce que je vais me faire appeler Arthur. Mais il faut muter. Donc il y a un gros travail de reformulation, de réorganisation, d’offre politique et de constitution d’un nouveau leadership.
Y-a-t-il une hémorragie de militants ?
Personne n’en sait rien. Vu les remontées des fédérations, on tourne autour de 80 000 militants.
C’est un chiffre qui semble énorme…
Les gens étaient prêts à partir. Ils nous laissent une dernière chance.
Le PS n’est donc pas mort ?
En fin de compte, le PS s’est affaissé après sa déroute parlementaire mais il ne s’est pas disloqué. Le climat a changé. Les adhérents voient qu’il n’est pas mort. Fortement affaibli certes, mais pas effondré.
Le PS joue un quitte ou double ?
Je crois que c’est cela. Si on retombe dans les errements des deux dernières années, je crois que les militants et les électeurs se diront que nous sommes incorrigibles.
Le PS éclaterait ?
Si la refondation ne fonctionne pas, oui. Pour l’instant, tout le monde retient son souffle. Les grands élus n’ont pas décidé de partir, les militants nous ont donné une dernière chance. Les parlementaires veulent faire du bon travail. Les dirigeants affectent de vouloir travailler ensemble. Cela donne un peu d’espoir.
Lire sur le site du Monde.
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Source: Actualités du PS

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