Laurent Wauquiez : « Qui aura le courage d’arrêter la décadence ? »

Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui n’a renoncé à rien pour 2022, en appelle au « courage politique ».
Vous aviez décidé après la défaite aux européennes de prendre du recul. Quel regard posez-vous aujourd’hui sur l’état de la France ?
Comme le montre l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie, une crise n’est jamais une rupture, c’est toujours un révélateur. La crise du Covid a révélé un décrochage profond de la France, seul des cinq pays du Conseil de sécurité à ne pas avoir produit son vaccin, dépendante de la Chine pour la fabrication de nos masques, avec le plus gros déficit commercial de toute l’histoire de l’Union européenne, assommée par le poids de sa bureaucratie. L’après-Covid doit être le temps de la reconstruction de la France. Et c’est possible, j’en suis convaincu. Si on ne se relève pas, le danger, c’est un décrochage lourd et long de notre pays.
Quels sont les blocages qui ont empêché qu’on puisse répondre plus rapidement à cette crise ?
Le mal vient de plus loin. On assiste à la reproduction du même scénario à chaque quinquennat : on n’arrive pas à corriger le destin du pays et chaque crise, qu’elle soit économique, sanitaire ou terroriste, sert d’alibi pour expliquer qu’on n’a pas pu faire. Il n’y a pourtant pas de fatalité. Je suis convaincu que le sursaut fait partie de l’âme française. Simone Weil le dit très bien : « La France a toujours la possibilité de retrouver une inspiration conforme à son génie. » La crise du Covid ouvre cette possibilité, parce qu’elle a dessillé les yeux : le réel est devenu trop évident pour qu’on puisse continuer à le nier.
La réalité de la désindustrialisation devenue manifeste au moment où on attendait les conteneurs arrivant de Chine ; l’insécurité, car quelles que soient les paroles des ministres de l’Intérieur successifs, la réalité c’est que vos enfants se font de plus en plus agresser sur la place Bellecour à Lyon. On peut avoir les meilleures intentions du monde dans des lois sur la laïcité, la réalité c’est que les Français voient toujours plus de signes du communautarisme. On ne peut plus nier. Ce qui se joue, c’est la décadence ou la renaissance de notre pays.
Que manque-t-il pour ce « sursaut » que vous appelez de vos vœux ?
Ce qu’il manque, c’est le courage de faire ! Le système a organisé le blocage et l’impuissance politique. Il faut commencer par éliminer les sources du blocage, sinon, on pourra multiplier les discours, rien ne changera. Premier blocage : l’évolution du rôle des juges. Trop souvent, ce ne sont plus les élus qui décident, ce sont les juges. Exemple récent, Albertville. Alors que le maire s’oppose à une école islamiste turque, le tribunal administratif ordonne sa construction. Deuxième exemple : la Cour européenne des droits de l’homme juge en 2009 qu’un terroriste ne peut pas être renvoyé dans son pays s’il risque d’y subir des traitements dégradants, en condamnant la France à garder sur son territoire des terroristes. Il ne doit plus être possible qu’un juge français s’appuie sur des traités internationaux pour remettre en question la loi française et donc la volonté démocratique.
L’administration est aussi souvent pointée du doigt comme facteur de blocage. Comment selon vous peut-on alléger son poids ?
Nous devons supprimer toutes les autorités administratives indépendantes et les agences qui ont pullulé et qui décident parfois contre la volonté des Français et celle des élus ! On a créé des monstres juridiques hors de contrôle qui produisent des normes sans cesse plus contraignantes. Il faut retrouver la primauté du politique. Un «spoils system» est nécessaire, avec le changement des 400 postes clés de l’administration quand une nouvelle majorité est élue. Autre blocage : le centralisme, dont la crise du Covid a été un révélateur cruel. Plus on est éloigné du terrain, plus on est coupé des réalités ; plus on en est proche, plus on peut être agile et souple. Les grandes orientations doivent être fixées au niveau national ; mais la mise en œuvre doit être faite au niveau local.
Pour faire « respirer » le pays, faut-il davantage utiliser le référendum ?
Oui, le référendum doit devenir un outil régulier de la démocratie française. Les Français ont l’impression de ne plus décider et que des minorités actives leur imposent des décisions contre leur volonté. En Suisse, dont ma région est limitrophe, les référendums sont organisés de manière régulière comme autant de rappels de ce qu’est la volonté du peuple. Ces référendums seraient des points de rendez-vous annuels pour que les Français s’expriment non pas sur des traités ou des sujets techniques, mais sur les grandes orientations du pays en matière d’immigration, d’éducation, de politique sociale, etc.
Mais comment embarquer tous les Français dans ce projet, quelle est la ligne d’horizon que vous proposez ?
La reconstruction de la France, connaissez-vous un plus beau projet ? Les Français voient qu’on les enferme dans une médiocrité qui nous condamne. Sans destin national commun, chacun se recroqueville sur ses intérêts individuels. Au lieu de se battre pour ce qu’on a en commun, on a tendance à ne plus regarder que ce qui nous sépare. Il faut retrouver ce sens du collectif. Une fois qu’on a fait sauter ces blocages qui figent le système, on peut faire bouger les choses et s’attaquer à trois nœuds gordiens. Avoir le courage de trancher, au lieu de vouloir tout ménager.
Quels sont les trois nœuds gordiens à trancher selon vous ?
Le travail plutôt que l’assistanat, la restauration de l’autorité, la reconstruction de cohésion nationale. On a une fiscalité assommante sur le travail, avec un très faible écart entre les revenus du travail et ceux de l’assistanat. Il faut une baisse massive de 30 % de l’impôt sur le revenu pour créer un vrai choc de confiance. Ça représente 25 milliards d’euros qui doivent être financés notamment par la lutte contre la fraude sociale. Dans ma région, j’ai montré que l’on pouvait baisser la dépense publique en faisant 15 % d’économies sur le fonctionnement administratif. Pour valoriser l’effort à l’école, nous devrions créer des bourses au mérite dès le primaire. Najat Vallaud-Belkacem avait voulu supprimer les bourses au mérite pour les bacheliers, c’est une profonde erreur, il faut au contraire les multiplier. Des personnalités comme Charles Péguy ou Yves Bonnefoy ont pu faire leurs études grâce à de telles bourses. On ne peut pas non plus continuer à avoir des professeurs aussi mal payés, n’oublions pas que c’est l’école qui a fait la France. Privilégier le travail, c’est aussi supprimer la chape administrative qui étouffe les énergies dans notre pays.
Pour relocaliser la production, je crois également dans un protectionnisme qui redonne la priorité à ce qui est produit en France et en Europe, en cessant d’importer les produits qui ne respectent pas nos normes sociales et environnementales, un protectionnisme articulé avec le développement durable. On a commis une erreur profonde d’analyse de la mondialisation en croyant que c’était la fin de la souveraineté et de l’indépendance nationale. La crise du Covid sonne comme un cruel rappel : chaque pays défend ses intérêts dans une exacerbation de la concurrence entre les États nations. Cessons d’être naïfs, il faut plus de libertés à l’intérieur, plus de protection à l’extérieur pour défendre nos intérêts stratégiques.
Vous évoquez « la restauration de l’autorité ». Comment y parvenir ?
Hobbes et Rousseau l’ont montré : la seule justification pour que j’accepte qu’un État m’impose ses règles et que je sacrifie une partie de ma liberté, c’est qu’il m’apporte la sécurité. Or aujourd’hui l’insécurité augmente, depuis l’incivilité ordinaire jusqu’aux attaques au mortier contre la police. La peur doit changer de camp, or il n’y a plus de sanctions. Notre système pénal est construit sur des peines de prison peu appliquées et très peu d’amendes automatiques. Il faut taper au portefeuille à la première incivilité. Il faut aussi des peines planchers systématiques pour les récidivistes. Enfin, il faut responsabiliser les familles en coupant les aides et expulser les étrangers qui commettent des infractions. Dans nombre de pays, si on ne respecte pas les règles, on est expulsé.
Vaste chantier… Comment y parvenir alors que les fractures se multiplient ?
Nous pouvons rebâtir la cohésion nationale. Cela commence par la prise en compte de tous les territoires. Une partie de la France se dit qu’elle est condamnée au silence, avec la fermeture des services publics, l’absence d’infrastructures et les déserts médicaux. Il faut retrouver la grande ambition pompidolienne : faire que le pays tienne ensemble. Mais on ne peut retrouver notre cohésion nationale sans reprendre en main l’immigration. Selon l’Insee, 44 % de notre croissance démographique est due uniquement à l’immigration. Comme président de région, je ne cesse de constater la montée des communautarismes, à tel point – et je sais que ces mots ont un sens fort – qu’on risque d’aller vers un processus de libanisation, c’est-à-dire l’implosion de la cohésion nationale remplacée par des communautés de plus en plus agressives. Cessons de tergiverser : l’immigration doit être arrêtée tant qu’on n’a pas réussi à l’intégrer. Il faut se battre contre une idée reçue : le XXIe siècle n’est pas partout un siècle d’immigration. Le Japon, la Chine, la Russie, l’Inde sont des pays sans immigration. Et les États-Unis ont une immigration choisie. En revanche, il faut retrouver une vraie politique familiale. Qu’est-ce qui nous empêche de le faire si ce n’est l’absence de courage politique ? Cela ne suppose pas du sang et des larmes. Il faut juste avoir la détermination d’inverser les choses. Aussi dure est la chute, aussi rapide peut être le rebond. Je dis aux Français : ne vous résignez pas !
Les thèmes que vous défendez correspondent à ce qu’attendent les électeurs de droite. Et pourtant vous n’êtes pas reconnu comme pouvant les incarner. Comment l’expliquez-vous ?
J’ai été très critiqué pour avoir exprimé mes idées et souvent pour avoir dit les choses trop tôt. C’est parfois le prix à payer, mais mes convictions n’ont pas changé. C’est la meilleure garantie de ma sincérité. Je ne crois pas à une droite qui s’inspire de Montebourg, se met à défendre les emplois jeunes ou la mise en place du revenu universel.
Est-ce que vous dites que la droite a trouvé son candidat avec Xavier Bertrand, ou est-ce que vous souhaitez être candidat à la présidentielle ?
Je vois bien la hâte de certains et leur précipitation. Mais la question, ce n’est pas qui va pouvoir faire barrage à qui, ni de savoir qui est bien installé aujourd’hui dans le concours de beauté des sondages – c’est une façon de faire qu’on a souvent pratiquée et qui nous a rarement réussi – la seule question au vu des enjeux, c’est qui aura le courage de faire, d’arrêter la décadence, de travailler à la reconstruction. C’est la seule question qui comptera en 2022.
En passant par une primaire ?
Ces sujets-là se poseront après l’été.
>> Lire l’interview sur LeFigaro.fr
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Source: Actualités LR

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