« Islamo-gauchisme » : une attaque raciste contre les libertés académiques

Un article du groupe thématique Enseignement Supérieur et Recherche de la France insoumise

Le 14 février 2020 sur le plateau de CNews, Frédérique Vidal, ministre en charge de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a annoncé sa volonté de confier une enquête au CNRS sur l’ « islamo-gauchisme » qui sévirait dans les universités. Cette enquête viserait notamment à différencier « ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève justement du militantisme et de l’opinion ». Ces propos s’inscrivent dans un cadre plus large de stigmatisation des musulman·es, d’une volonté de contrôler la production académique sur les discriminations et de limiter l’expression des étudiant·es et de leurs organisations.

Une stigmatisation des mulsuman·es

Ce terme dont l’utilisation a été longtemps cantonnée à l’extrême-droite fait des mulsuman·es une cinquième colonne qui mettrait en péril les institutions de notre pays. Elle serait aidée en cela par une gauche qui par naïveté ou cynisme porterait son concours au développement de l’islamisme. Ce terme permet à la fois de jeter la suspicion sur les personnes de confession musulmane, mais aussi sur les chercheurs ou militant·es dénonçant le racisme et les discriminations. Cette suspicion est d’autant plus forte quand ces personnes sont noir·es ou arabes.

En octobre dernier Jean-Michel Blanquer a utilisé ce terme montrant sa banalisation en accusant les universitaires de « complicité intellectuelle du terrorisme ». Ainsi, il reprend l’idée que les chercheur·es en sciences sociales ne se focaliserait plus que sur la « races » et les « identités » et auraient à la fois abandonné les questions sociales et attaqué la République. Cette idée avait déjà été formulée par Emmanuel Macron en juin où il affirmait que pour cette raison le « monde universitaire » aurait été « coupable » d’avoir « cassé la République en deux ». En reprenant ce terme, Frédérique Vidal s’inscrit pleinement dans une rhétorique concertée de l’exécutif.

Ces propos et actes visent en fait à disqualifier tout le travail académique sur le racisme, que ce soit l’étude des crimes racistes, la quantification des discriminations racistes ou la recherche sur le colonialisme et l’esclavagisme. Il s’agit d’empêcher toute analyse du racisme par une opération typiquement maccarthyste.

Une atteinte aux liberté académiques

L’ensemble de la communauté scientifique, que ce soit les présidences d’établissement, les syndicats de personnels ou les instances du CNRS, a condamné ces propos. En effet, les universitaires n’ont pas à justifier de leurs travaux et recherches auprès du pouvoir politique. Ils et elles disposent de leurs propres juridictions administratives en cas de manquement à leurs obligations « d’objectivité et de tolérance » associées à leurs libertés académiques. Enfin, ils rappellent que ce n’est pas au gouvernement de distinguer dans les travaux de recherches ce qui est du travail scientifique et ce qui relève de prises de positions militantes.

Cette demande d’enquête se retrouve dans un contexte international où de nombreux gouvernements menacent les libertés académiques. Ainsi, en Pologne, les historien·nes ne doivent plus écrire sur la participation de Polonais·es à la Shoah. En Hongrie, le gouvernement Orban accuse les universités de répandre la « théorie du genre » et de se livrer à de la « propagande LGBT ». Dans ce contexte, on peut craindre en France que des attaques visent d’autres champs de recherches comme les études de genre.

Des mesures visent déjà des étudiant·es

Si une demande d’enquêtes à l’encontre des universitaires est sans précédent, il y a déjà eu des attaques à l’encontre des étudiant·es. La liberté d’expression des étudiant·es telle que garantie depuis 1984 s’en trouve menacée.

En juin dernier, une réforme de la procédure disciplinaire à l’encontre des étudiant·es a été mise en place par décret. Cette réforme supprime l’appel devant le CNESER pour les étudiant·es. Dans le même temps, elle introduit l’ « atteinte à la réputation de l’établissement » comme motif de sanction. Par conséquent, cela entraîne de plus grandes possibilités pour les établissements de sanctionner les étudiants pour des motifs politiques.

Par ailleurs, dans son article 6, le projet de loi dit « confortant les principes républicains » prévoit le conditionnement des subventions aux associations au respect d’un contrat d’ « engagement républicain ». Dans sa rédaction actuelle, cet article concerne les associations étudiantes bénéficiant des subventions d’un établissement. Certaines des dispositions de ce contrat, notamment le fait de « ne pas causer de trouble à l’ordre public » ou le respect des symboles de la République, peuvent interdire le financement d’associations sur des bases purement politiques.

Au vu de diverses polémiques passées, ces possibilités de sanctions et de contrôles accrus risques d’être utilisé pour réprimer des actions antiracistes.

Une réponse nécessaire

La France insoumise dénonce l’ensemble des propos et dispositions visant à restreindre les libertés académiques et la liberté d’expression des étudiant·es. Elle dénonce la stigmatisation dont sont victimes les mulsuman·es à travers la rhétorique d’extrême-droite qui est utilisée.

Elle demande par ailleurs que les libertés académiques soient non seulement garantie par la loi et les textes réglementaires mais aussi par une attribution de moyens permettant aux chercheurs et chercheuses de mener à bien leur travail.

Enfin, elle soutient la demande de démission de Frédérique Vidal émanant des personnels de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Cette demande est d’autant plus légitime car la loi de Programmation de la Recherche est très largement rejetée au sein de la communauté universitaire. La recherche et l’enseignement supérieur ont besoin de moyens pour travailler avec des crédits récurrents et des personnels permanents et de moyens pour les étudiant·es dont les conditions sont de plus en plus précaires, pas de polémique sur un prétendu islamo-gauchisme !

Je rejoins le groupe thématique ESR de la France insoumise

Source: Actualités La France insoumise

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