Bruno Retailleau : « Il faut un bouclier anti-crise beaucoup plus défensif » face au coronavirus

Le président du groupe lR au Sénat juge « très largement insuffisantes » les mesures annoncées par l’exécutif pour aider les entreprises mises à mal par le choc « violent » du coronavirus. Dans une interview aux « Echos », il prône des allégements provisoires d’impôts, un assouplissement des conditions du chômage technique et la nomination d’un médiateur de crise. Prêt à laisser filer « provisoirement » les déficits, Bruno Retailleau appelle à un plan de relance européen « beaucoup plus ambitieux ».
Qu’attendez-vous de l’allocution télévisée d’Emmanuel Macron sur le coronavirus ?
J’attends un moment de vérité. Cette crise est grave, mais on ne doit pas ajouter une crise de panique à la crise sanitaire. Le chef de l’Etat doit prendre toutes les mesures qu’il estime nécessaires. Je fais à la fois confiance aux autorités sanitaires qui peuvent éclairer ses décisions et aux décisions qu’il pourrait prendre. Mais j’attends aussi d’Emmanuel Macron une réponse rapide et massive pour contrer les effets de la crise économique et sociale qui s’annonce.
Faut-il prendre dès maintenant des mesures de confinement à l’italienne ?
Je ne crois pas. A l’heure où l’on se parle, la réponse française, qui s’adapte au fur et à mesure que la situation évolue, me semble être la plus appropriée. Elle permet à la fois de contenir l’épidémie, même si elle risque de se propager à court terme, sans bloquer l’économie. La priorité, c’est la santé des Français ; mais n’ajoutons pas une crise économique et sociale à la crise sanitaire. C’est pourquoi un confinement à l’italienne me semble être, aujourd’hui, une mesure excessive.
Aurait-il fallu reporter les élections municipales ?
Non. On ne doit pas mettre la démocratie en quarantaine.
L’impact économique sera « sévère », selon le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Redoutez-vous une récession ?
Il ne sera pas seulement sévère mais violent. Le deuxième trimestre devrait vraisemblablement être récessif avec des faillites d’entreprises et leur cortège de drames humains. La situation de l’Italie qui peut entraîner une crise de l’euro, l’instabilité des cours du pétrole, le manque d’approvisionnements comme la réduction des échanges : tout cela forme un cocktail qui peut être détonnant, créer un choc systémique, planétaire et massif. Il faut impérativement qu’on adapte notre réponse au niveau du caractère exceptionnel de la crise.
Le plan de soutien aux entreprises est-il à la hauteur ?
Ces réponses vont dans le bon sens, mais elles sont aujourd’hui très largement insuffisantes. Il faut aller beaucoup plus loin et beaucoup plus fort. L’objectif, c’est d’éviter que le choc que l’on va devoir absorber ne détruise une partie de notre appareil de production et donc nos capacités de rebond. C’est pourquoi il faut un bouclier anti-crise beaucoup plus défensif : le chef de l’Etat ne peut pas dire qu’il s’agit « d’une crise exceptionnelle » et ne pas prendre d’initiatives exceptionnelles.
Que proposez-vous ?
Il faut un choc psychologique qui soit à la hauteur du choc sanitaire et économique. A court terme, au niveau national, la priorité est d’éviter que des entreprises fassent faillite. Dans cette période, la microéconomie doit primer sur la macroéconomie : il faut préserver l’appareil productif français. Entre l’orthodoxie budgétaire et la réponse à la crise, il faut clairement privilégier la réponse à la crise. L’Etat doit accepter non seulement des rééchelonnements, des reports, mais aussi des dégrèvements. Autrement dit, il faut des allègements provisoires d’impôts pour les entreprises, avec aussi un arsenal complémentaire : mensualisation de la TVA, amortissement exceptionnel, report en arrière des déficits… Les banques ont également un rôle primordial dans le financement de notre économie. Elles doivent être soutenues par la Banque centrale européenne, qui doit leur octroyer des liquidités conditionnées à la distribution de crédits aux entreprises. Je pense par ailleurs qu’il faut assouplir les conditions du chômage technique, y compris pour garantir 100 % du salaire net au salarié pour soutenir la consommation, avec une compensation financière intégrale pour les entreprises. Les mesures que je propose sont évidemment transitoires et doivent faire l’objet d’un collectif budgétaire.
Comment les mettre en œuvre ?
Face à la tempête, il faut changer de dimension. Je fais donc deux propositions. D’abord la création d’un guichet unique dans chaque département, avec un pouvoir de décision sur les dettes fiscales et sociales que les entreprises doivent à l’Etat. Ensuite la nomination auprès du président de la République d’un médiateur de crise, qui serait l’interlocuteur des entreprises avec les banques et qui s’assurerait aussi qu’en ces temps de grande fragilité, les gros n’en profitent pas pour manger les petits. Il faut faire ça très vite, dans les toutes prochaines heures.
Cela changerait-il vraiment la donne ?
Oui, mais il faut compléter ces mesures d’urgence par un grand plan de relance. Il est indispensable de soutenir l’investissement public qui pourrait fléchir en raison de la crise sanitaire et du temps nécessaire aux redémarrages des nouvelles équipes municipales. Pour raccourcir le temps de la commande publique, je propose d’assouplir le Code des marchés publics pour simplifier les démarches administratives des entreprises. Les seuils pourraient passer de 40.000 euros à 90.000 pour le premier et de 90.000 à 180.000 euros pour le second. Il va aussi falloir augmenter le soutien de l’Etat aux investissements des collectivités qui peuvent être lancés rapidement. Enfin, il est essentiel de mobiliser les opérateurs d’Etat que sont l’Anru pour la politique de la ville, l’Anah pour l’habitat ou l’Ademe pour la rénovation énergétique, afin d’injecter plus de financements dans notre économie.
L’Union européenne, de son côté, en fait-elle assez ?
Les mesures annoncées ne sont pas à la dimension du problème. Il faut donner le signal aux marchés qu’il y a un pilote dans l’avion. En 2008, la France était à la manœuvre. Aujourd’hui elle donne le sentiment d’être à la remorque. Elle devrait jouer un rôle majeur de coordination, au niveau européen en mobilisant le couple franco-allemand notamment, mais au niveau international également pour œuvrer, comme il y a dix ans, en faveur de l’organisation d’un G20.
L’Europe doit-elle abandonner le critère des 3 % de déficits ?
Il faut l’abandonner provisoirement. Je suis conscient que les mesures que je propose augmenteront la dépense publique mais, entre deux maux, il faut choisir le moindre. Le rôle de l’Etat, c’est d’abord de protéger les Français et de garantir l’avenir.
Cette crise doit-elle conduire à changer la mondialisation ?
La crise révèle une double faiblesse. Une faiblesse française : on a gaspillé la croissance. Le gouvernement a une responsabilité majeure car il a négligé de faire des économies alors qu’il y avait l’embellie. Maintenant que les nuages s’accumulent, nous n’avons plus de marges de manœuvre et nous payerons tout cela par plus d’impôts et plus de dette. Mais nous avons aussi une faiblesse mondiale. La globalisation encouragée par l’idéologie néo-libérale a considérablement fragilisé l’Occident. Nous sommes allés trop loin. Il est temps de réaffirmer notre souveraineté sur des secteurs stratégiques, de relocaliser certaines chaînes de production et de privilégier la régionalisation des échanges entre pays européens. C’est un immense défi, pour nos économies nationales et pour l’Europe.
>> Lire l’interview sur LesEchos.fr
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Source: Actualités LR

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