Référendum • 8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante


Du 1er au 7 septembre, 450 organisations politiques, sociales, syndicales et religieuses ont disposé plus de 40 000 urnes dans tout le pays invitant les Brésiliens à prendre part au référendum populaire pour une assemblée constituante visant à redéfinir les principes d’un système politique démocratique. La question était : êtes-vous pour une assemblée constituante exclusive et souveraine du système politique ? Une assemblée souveraine parce qu’elle est élue démocratiquement par le peuple et exclusive car ses députés constituants seraient exclusivement élus pour cette tâche et n’auraient aucune autre activité parallèle, comme cela a été le cas en 1986 où les constituants n’étaient autres que les mêmes députés du Congrès déjà élus.
Le résultat du vote a été annoncé ce 24/09 par la coordination nationale de la campagne : 7 754 436 Brésiliens, soit 5,44% de l’électorat ont voté et parmi eux 97,05% on dit oui à la constituante. Même si ce référendum n’a aucune légitimité juridique, il s’agit d’une grande victoire populaire qui a permis de démontrer qu’une portion significative de la population exige un changement dans le système politique actuel. Si l’on compare avec le dispositif, légal, de la proposition de loi d’initiative populaire, qui exige le soutien d’au moins 1% de l’électorat pour qu’un texte soit présenté au Congrès, la constituante dispose au final de cinq fois plus de force populaire.
Dans le cadre de cette campagne les mouvements sociaux veulent attirer l’attention sur quatre dimensions principales du système politique. Premièrement le système électoral qui autorise aujourd’hui la participation des entreprises privées aux frais de campagne ce qui favorise la victoire de candidats satisfaisant les intérêts du capital, transforme les campagnes électorales en espace publicitaire de propagande et alimente la corruption des pouvoirs publics. En 2012 les entreprises privées ont financé 95% des frais de campagne déclarés par les candidats. Ces frais sont en outre très inégalement répartis. Pour les élections présidentielles de 2014 par exemple, la campagne la plus chère est 3000 fois plus onéreuse que la moins chère. On estime en outre qu’à chaque real qu’une une entreprise investi dans une campagne électorale, elle récupère ensuite 8,5 reais en marchés publics. De cette manière le monde syndical, les mouvements sociaux, les femmes, les noirs, les indigènes, etc. restent inévitablement très sous-représentés au Congrès.
Parmi les autres dimensions à pointer on retrouve le renforcement de la participation populaire dans la prise des décisions et le contrôle de l’activité parlementaire ainsi que davantage de transparence et de contrôle de la part de Justice. Enfin la réforme du système médiatique, monopolisé par une poignée de familles conservatrices qui s’accaparent la (dé)formation politique des masses sans laisser la place nécessaires aux médias alternatifs, communautaires, associatifs, etc. pour garantir la pluralité du débat public.
La preuve en est qu’alors que d’importantes personnalités politiques et culturelles se sont publiquement manifestées en faveur du référendum populaire, les principaux médias n’en ont pas touché mot, publiant au contraire quelques éditoriaux qualifiant la campagne de « coup d’état bolchévique ».
Bien que les deux candidates données en tête au premier tour, la Présidente Dilma Rousseff (parti des travailleurs) et l’évangélique social-libérale Marina Silva, aient toutes deux voté en faveur de la constituante, le chemin est encore long. Le blocus médiatique que la campagne a subit, la réticence d’une large part du Congrès sous la pression de l’élite possédante, des latifundiums et des banques restent des obstacles de taille.
De plus à la différence d’une proposition de loi d’initiative populaire la constituante se veut un espace d’échange et de construction collective d’un nouveau modèle où les positions idéologiques s’affronteront nécessairement. De cette manière, même la droite a proposé un modèle de réforme politique. Pour garantir l’adoption de ses propositions progressistes dans cette assemblée constituante, la gauche a ainsi entrepris dans cette campagne un vaste travail de terrain afin de sensibiliser la population qui exprime d’ores et déjà un fort sentiment de rejet vis-à-vis des institutions actuelles. Une façon de canaliser de manière démocratique les répercussions des scandales de corruption dont les médias se sont servi pour diaboliser le gouvernement PT au lieu de questionner, justement, le fonctionnement des institutions.
Les propositions ne font pas l’unanimité, même au sein des organisations membres de la campagne, ce qui montre la richesse et l’importance du débat engagé. L’interdiction du financement privé des campagnes électorales par les entreprises privées, l’introduction de nouveaux mécanismes de participation populaire et l’adoption d’un principe de régulation des médias similaire à la « ley de medios » argentine rassemblent le plus de consensus. D’autres propositions circulent comme l’introduction de circonscriptions électorales pour éviter la compétition intra-partisane aux législatives, la redéfinition du nombre de sièges au Sénat attribués à chaque état qui favorise actuellement les états du Nord contrôlés par les latifundiums, voire la suppression du Sénat. Ces propositions restent pour le moment centrées sur le système politique car les organisateurs de la campagne considèrent que c’est la configuration actuelle de ce système qui bloque l’adoption de nouvelles lois progressistes voire même l’application de dispositions déjà prévues dans la loi comme l’impôt sur les grandes fortunes ou la réforme agraire.
Les urnes du référendum seront remises officiellement au gouvernement, au Congrès et au pouvoir judiciaire à Brasilia le 14 et 15 octobre. Un moment charnière dans l’entre-deux tour des élections présidentielles, sur laquelle les mouvements sociaux comptent faire pression. Lors des manifestations de 2013, Dilma Rousseff avait été la première à proposer aux mouvement sociaux un référendum sur la Constituante, mais le projet a rapidement été enseveli par le Congrès. Les organisations de la campagne comptent sur la réélection de la présidente pour lui rappeler cet engagement et lui apporter le soutien populaire nécessaire pour sa mise en œuvre.
Source: Actualités Parti de Gauche

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